Le long métrage ’Rafiki’’ de Wanuri Kahiu (Kenya) a levé un coin de voile sur l’homosexualité féminine en Afrique. Il raconte, sans préjugé, une histoire d’amour entre deux jeunes lyciennes à Nairobi. La réalisatrice amène son sujet de la façon la plus naturelle possible. Elle conforte le cinéphile en insistant sur le décor, des scènes du quotidien. Les couleurs sont gaies, le film est joyeux. Une jeune fille aide et soutient sa mère qui accepte difficilement le départ de son mari. Des garçons papotent et jouent dans les rues. Une gérante de bistro et sa fille médisantes cherchent à savoir tout sur la vie des autres. Ziki et ses copines, très à la mode, reprennent des ballets des stars américaines dans le quartier. Wanuri Kahiu (c’est fait à dessein) va jusqu’à banaliser un rapport sexuel hétéro en pleine journée dans un coin d’escalier. Et le dialogue qui s’ensuit lorsque les amoureux sont surpris par Kéna (une des actrices principales) est effarent. « On a pas fini ! », souligne la jeune fille énervée à son amant. « On va terminer après », réplique le jeune homme.
Le contact entre Kéna et Ziki (les amoureuses) est tout aussi naturel. Un regard, un sourire, un premier mot, une attirance, un refus. Oui ! Le refus de la différence avec les autres, le rejet de ne pas être soi. Mais, il faut être Ziki, insouciante, ouverte pour vouloir faire des choses différemment des autres. Le réalisateur, avec tact, entraine le public. Un pacte de la différence est adopté par les jeunes. Tout est fait avec élégance. Et la musique, qui est une ode à l’amour, accompagne chaque geste, chaque rire, chaque touchée. Sans surprise, les deux jeunes filles échangent un baiser, passent une nuit ensemble. L’image, là encore, est d’une beauté exceptionnelle. Une nuit pensée, des bougies allumées dans un nid d’amour (un fourgon abandonné), un cake surmonté d’une bougie, des caresses, des respirations, des soupirs, des gémissements. Une consommation de la nuit, un réveil difficile. En gros, une nuit naturelle entre amoureux.
Quand on regarde Rafiki, on n’a pas le temps de blâmer, de condamner. Tout semble arriver de soi, tout arrive de fait. Toutefois, être homosexuel en Afrique, n’a rien de normal aux yeux des populations. Un jeune homosexuel est la risée des amis de Kéna, le pasteur voit en cela une abomination et les voisins des amoureuses surprennent « deux jeunes filles collées comme des chiennes ». Elles sont lynchées dans la rue, retenues en détention et Ziki reçoit une baffe de son père.
Cependant, Rafiki a été conçu et soutenu pour être un bon film. Si tout se déroule au Kenya où le film avait été censuré ( il a finalement été projété après une action judiciaire remportée par la.réalisatrice), six Etats (en majorité des pays européens et l’Afrique du Sud) ont porté et financé le projet. Rafiki a été produit par Steven Markowitz pour la société sud-africaine Big World Cinema, en coproduction avec les Kenyans d’Afrobubblegum, les Français de MPM Film, les Néerlandais de Rinkel Film, les Allemands de Razor Film Produktion, les Norvégiens d’Ape&Bjorn et les Libanais de Schortcut Films, avec le soutien de ACP-EU Support Programme, du CNC via l’aide aux cinémas du monde, du World Cinema Fund, du Netherlands Film Fund/Hubert Bals Fund, et de Sorfond.
La postproduction, la musique, les décors devaient prouver qu’être homosexuel n’a rien de contre-nature. Et en cela, Rafiki a atteint son but.
Sanou A.