Mention spécial du jury aux dernières Journées cinématographiques de Carthage, le documentaire de 80′ du réalisateur burkinabè Michel K. Zongo, «Pas d’or pour Kalsaka», met en avant les conséquences de l’exploitation aurifère industrielle de cette zone du Burkina Faso auprès des habitants. Des illusions argentées en désillusions forcées.
A travers «Pas d’or pour Kalsaka», mention spécial du jury aux JCC, Michel K. Zongo tire une véritable sonnette d’alarme sur le quotidien dramatique d’une population à qui on a fait miroiter monts et merveilles et qui se retrouve sans rien que des yeux pour pleurer et une eau empoisonnée.
Kalsaka est une mine d’or se situant dans la province du Yatenga, à environ 150 km au nord-ouest de Ouagadougou la capitale du Burkina Faso. Exploitée par Kalsaka Mining SA, la mine est inaugurée le 30 octobre 2008 avant de fermer ses portes après cinq ans d’exploitation, laissant la population locale désemparée. Les paysans s’étant séparés de leurs terres pour permettre à la mine d’exister se sont retrouvés sans revenus : leurs concessions devaient leur rapporter, mais la Kalsaka Mining SA n’a pas tenu ses promesses, et leurs terres ne sont plus cultivables, puisqu’elles ont été remplacées par des trous béants.
Catastrophes humanitaire et écologique
En effet, la mine, d’une superficie de 25 km2, a causé d’énormes dégâts environnementaux. Les terres ne sont, donc, plus exploitables et l’eau est, normalement, inconsommable. Normalement. Car malgré sa couleur verdâtre, la population continue à la boire, n’ayant rien d’autre. L’Etat y a fait des prélèvements mais sans donner les résultats. Le réalisateur a décidé de débourser pour faire les prélèvements nécessaires. Le résultat tombe à la fin de son documentaire : l’eau est impropre à la consommation. Elle est gorgée de produits chimiques utilisés pour extraire l’or de la mine et qui se sont incrustés, à tout jamais, dans le sol. Notamment le cyanure (deux tonnes auraient été employées pour la mine).
Avant l’installation de l’exploitation aurifère industrielle, le paysage de Kalsaka était verdoyant, grâce à une foison d’arbres et d’arbustes. Aujourd’hui, on se croirait en plein reg.
Catastrophes humanitaire et écologique sont étroitement liés : les hommes ne pouvant plus cultiver leurs champs puisqu’ils ont été remplacés par des trous béants, l’eau est empoisonnée, mais ils la boivent quand même la peur au ventre, et il n’y a plus d’espaces verts pour faire paître les animaux. Les enfants étaient terrorisés à chaque explosion entendue dans la mine ; l’école se trouvant à un kilomètre de l’exploitation.
Le conte s’est transformé en cauchemar. D’ailleurs, dans sa démarche filmique, Michel K. Zongo a fait appelé au conteur burkinabè KBG pour raconter l’histoire. Elle commence par des promesses en or pour se terminer par le désespoir. Le projet de la mine ayant provoqué de grands espoirs de création d’emplois et d’opportunités d’affaires. Le réalisateur a fait appel, également, à trois cow-boys que l’on voit, en plans de coupe, parcourir l’étendue quasi-désertique, rappelant les films westerns américains.
Interdiction illégale de l’orpaillage
Avec la fermeture de la mine, certaines femmes sont retournées à l’orpaillage, soit à une exploitation artisanale de l’or, activité qu’elles pratiquaient avant l’exploitation industrielle du site faite par Kalsaka Mining SA. Cependant, elles sont victimes de violences de la part des agents de sécurité qui veillent sur l’entrée de la mine ; cette dernière étant interdite à toute personne étrangère au service, si l’on peut l’écrire. D’ailleurs, Michel K. Zongo a voulu y pénétrer, on lui a signifié qu’il fallait une autorisation préalable de l’autorité compétente et que même avec cela les agents de sécurité refusent l’entrée. D’autre part, il est strictement défendu de faire des images ou de filmer dans la mine.
Il semblerait que cette dernière regorgerait encore d’or, malgré les 18 tonnes d’or qui ont déjà été extraits selon un témoin. Dix-huit tonnes en cinq ans alors que Kalsaka Mining SA avait annoncé 18 tonnes en dix ans ! Selon un communiqué sur le site Web de la compagnie, «au 31 décembre 2012, Kalsaka avait en estimation de 38.000 onces de réserves prouvées et probables, 225.000 onces d’or classés en ressources mesurées et indiquées, et 178.000 onces d’or dans la catégorie inférée (…)».
A travers «Pas d’or pour Kalsaka», le réalisateur a voulu dénoncer tous les dépassements dus à l’exploitation industrielle d’une mine, les changements engendrés sur les activités rurales entraînant une paupérisation de la population, les graves dangers sur la santé. Mais au-delà de tout cela, il met, indirectement, à l’index le «je-m’en-foutisme» total ainsi que le désengagement du gouvernement burkinabè.
Zouhour HARBAOUI