Le peintre ivoirien Monné Bou est de retour sur les cimaises après une longue période de retrait pour cause de la maladie. Bien portant avec son éternel sourire et sa bonne humeur, le maître est célébré en ce moment à la galerie la Rotonde des arts contemporains.
« Cette remarquable œuvre picturale m’a permis d’apprécier toute la finesse, la sensibilité et la maitrise de M. Monné Bou », écrivait le président français Jacques Chirac en 1994 lorsqu’il reçut en cadeau une œuvre de l’artiste de son homologue ivoirien Henri Konan Bédié. Des témoignages concernant les créations de Monné Bou ont fusé ce 20 novembre à la galerie la Rotonde des arts contemporains à Abidjan, au cours d’une exposition de célébration du maître.
« Sa technique de peinture est extraordinaire. Elle vaut, à elle seule, du spectacle. C’est la peinture par jet. Cet artiste qui jette la peinture sur la toile sans la toucher. Les jets commencent par donner des milliers et des milliers de pointillés. Le même jet lui permet d’avoir des traits. En plus de cela, il a l’écriture directe. C’est un graphisme particulier, qui n’existe nulle part au monde », a expliqué Koffi Koffi, journaliste.
« Nous ne courons pas, nous allons au pas »
Face à tant d’éloges et de reconnaissances, l’un des maîtres de la peinture ivoirienne a demandé de la patience à ses pairs. « A tous les artistes plasticiens de Côte d’Ivoire, nos jeunes Etats ont leurs priorités. Ils font quand même des efforts pour former des collectionneurs. Avec patience, nous pouvons vendre des œuvres ; Nous ne courons pas, nous allons au pas. Evidemment, l’artiste qui crée est en train d’enfanter. Quand on fait une toile et qu’on le signe, on vient de mettre un enfant au monde à qui on a donné toute l’intelligence pour que cet enfant voyage seul », conseille-t-il.
Cependant, si son discours est clair et sa voix limpide, l’artiste est retranché depuis quelques années à Adiaké, précisément à Attiékoi, pour cause de maladie. Il a traversé des moments difficiles et il a même été victime de paralysie. Pourtant, dès qu’il s’est remis, il a continué à travailler. Voir Monné Bou à l’œuvre est un moment d’introspection, de voyage interne de mystère. Surnommé le « sorcier de la peinture » ivoirienne, il fait du figuratif à travers une technique abstraite et complexe. Monné émerveille et c’est peu dire.
« Je pense, donc j’ai des soucis »
Ce mercredi sur les cimaises de la Rotonde des arts où ses œuvres trônent, la femme est encore au cœur de ses créations. Pour sûr, il la magnifie. Cet être est souvent accompagné d’enfant. Ces deux créatures mises ensemble, constituent le nœud de sa création. Au-delà, le maître touche des questions existentielles. « Je pense donc j’ai des soucis ». Le titre de l’œuvre arrache le sourire mais force le repli sur soi, la pensée par soi, l’acceptation de sa condition. Dans un décor noir (le sol) et bleu (l’horizon) un homme robuste, musclé, est en pleine réflexion, une main sur la tête et l’autre sur le genou. Comme quoi, ni la force, ni l’intelligence ne dissipent les soucis.
Les œuvres de Monné Bou resteront accrochées jusqu’au mois de décembre. Cependant, pour les collectionneurs, il faudra se dépêcher car plusieurs toiles ont été réservées lors du vernissage.
Sanou A.