Les Rencontres de Bamako ont permis de faire découvrir des photographes et vidéastes africains et de la diaspora, dont Adji Dieye. Participant avec «Maggic Cube», cette jeune artiste sénégalaise vivant en Italie à mis à l’index l’impérialisme imposé à travers les cubes «Maggi», «Jumbo»…
«Maggic Cube» est la série photo-collage présentée par la jeune artiste sénégalaise vivant en Italie, Adji Dieye. A travers son travail, la photographe a mis en avant un impérialisme qui est entré dans beaucoup de foyer non seulement sénégalais mais aussi ouest-africain. Il s’agit d’exhausteurs de goût, soit des petits cubes aromatiques mélangeant plusieurs épices et autres produits comme l’oignon, l’ail, etc, fabriqués par des entreprises suisse (pour Maggi) et espagnole (pour Jumbo).
A travers sa série, Adji Dieye met également en avant, et avec une certaine ironie, l’impact de la publicité sur les ménagères africaines, drapant ses modèles des couleurs et des emballages de ces cubes magiques, soit le rouge et le jaune. Les spectateurs sont presque agressés par ces couleurs, comme est agressé, par la publicité que les deux marques étrangères font à leurs produits, n’importe quel voyageur débarquant dans une ville d’Afrique de l’Ouest. Et sur les photos-collages d’Adji Dieye le wax a laissé la place à des drapés «Maggi» et «Jumbo».
Critique des normes culturelles
Comme indiqué sur la présentation des photos, le projet de la jeune sénégalo-italienne a commencé par une question : «Comment la publicité informe-t-elle l’imaginaire public et la perception générale que nous avons de nous-mêmes ?». Réflexion philosophique qui pourra paraître simplette et simpliciste mais qui a son importance, puisqu’Adji Dieye fait une sorte de détournement de l’histoire économique et coloniale d’un produit, qui continue à coloniser des pays ayant obtenu leur «indépendance» il y a près de soixante ans !
Il faut savoir que le cube «Maggi» est arrivé en Afrique il y a plus d’un siècle, après la signature du traité de Berlin de 1885, régissant les règles du commerce entre les puissances coloniales et ouvrant la libre circulation des produits sur le continent. A partir de ce moment, et grâce à la méthode de noyade du marché, les ménagères ouest-africaines sont devenues, de mère en fille, «esclaves» de ce petit cube pesant quatre grammes et mesurant trois centimètres.
Un petit chose qui est entré par la grande porte dans les foyers et dans la culture culinaire. D’ailleurs, la jeune artiste «critique les normes culturelles qui créent des rôles de genre stéréotypés et envisage Maggic Cube une enquête sur les archétypes visuels qui interviennent dans la construction de la subjectivité pour les femmes ouest-africaines en particulier».
Même si «Maggic Cube» est un monde fictif mélangeant deux plans, tirant vers le pop art, il n’en reste pas moins qu’il est une réalité dans nombre de plats ouest-africains…
Zouhour HARBAOUI