Le long métrage de Mehdi M. Barsaoui, «Bik naïch», ou «Un fils» dans sa version française, est sorti sur les écrans tunisiens le 15 janvier. Un film intéressant de plusieurs points de vue, car il met en avant des réalités, même si certaines séquences sont gratuites et n’apportent rien à l’histoire.
L’histoire de «Bik naïch» ou «Un fils», long métrage de Mehdi M. Barsaoui, apporte un nouveau regard sur la relation de couple avec un enfant en jeu. Cette notion de relation de couple avait été, légèrement, soulevé dans le film de Néjib Belkadhi, «Regarde-moi», dans lequel le réalisateur avait plus misé sur la relation père/fils, enfant autiste. La comparaison s’arrête là car «Un fils» est une autre histoire, une autre approche, une autre présentation.
«Un fils» est intéressant de plusieurs points de vue, car il met en avant certaines réalités. D’abord l’histoire, qui, même si elle sort tout droit de l’imagination de Mehdi M. Barsaoui, peut être comparée à certains cas dans notre pays ; mais de ces cas, on n’en parle jamais… Un homme, Fares, découvre, au bout de 11 ans (l’âge du gamin) et suite à un événement tragique dans la région de Tataouine, qu’il n’est pas le père biologique de son fils, Aziz. Il se retrouve, donc, face à deux chocs : «son» gamin en attente d’une greffe de foie urgente suite à une balle perdue et le fait que l’enfant n’est pas son fils biologique et que, donc, sa femme, Meriem, l’a trompé. Mais comme l’a dit un anonyme «Ce n’est pas la chair et le sang mais le cœur qui fait de nous des pères et des fils, des mères et des filles».
Le couple se désagrège, petit à petit. Meriem essayant de justifier son acte et Fares refusant de l’écouter. Car pourquoi écouter une justification et pourquoi justifier après tout ce temps ? Ce qui est fait est fait et nul ne peut le défaire… Le couple part chacun de son côté dans sa souffrance. Mais, il y a cet enfant entre les deux. Un enfant innocent qui n’a rien demandé, qui ne sait pas qu’un drame entre ses parents se déroule, et qui est là sur son lit d’hôpital inconscient de ce qui l’entoure. Un enfant qui va servir de ciment. Et comme le dit un proverbe japonais «L’amour d’un père est plus haut que la montage. L’amour d’une mère est plus profond que l’océan». Alors, Fares va tout tenter pour trouver un foie qui sauvera «son» fils, jusqu’à perdre 150 mille dinars. Et Meriem mettra tout ce qui est en son pouvoir pour retrouver le père biologique d’Aziz, car il est le seul à pouvoir faire un don d’une partie de son foie pour cause de compatibilité.
Perdition et désolation
Ce qui nous amène à l’autre aspect intéressant : le problème du don d’organe en Tunisie. Ce problème avait déjà été soulevé dans le feuilleton, sur Al Watania 1, «Naouret el hawa», dans sa première saison. Dans ce feuilleton, les trafiquants récupéraient les organes sur des enfants de la rue. Dans «Un fils», les trafiquants se servent en Libye. N’oublions pas que l’action du film se déroule au cours du dernier trimestre de l’année 2011, alors que la guerre civile s’étend à ce pays frontalier de la Tunisie. Lorsque le patron d’une clinique propose à Fares un foie pour son fils et que celui-ci demande qu’elle en est l’origine, il lui répond qu’il y a beaucoup de morts en Libye. Mais quand Fares s’apercevra que l’organe qu’il attend vient d’un trafic d’êtres humains, qui plus est des enfants (chacun doté d’un code comme, par exemple D108, comme s’ils étaient de simples objets), c’est un troisième choc. Prendre la vie d’un enfant pour sauver «son» fils, il ne peut l’accepter même s’il se retrouve, façon de parler, le couteau sous la gorge. Il devra «affronter», même si cela est au-dessus de ses forces, le père biologique de Aziz.
Presque tous les personnages du film sont en perdition et chacun pour différentes raisons. Et les images, comme des plans de coupe, de plateaux rocheux, de dunes de sable, sont là pour renforcer la désolation des protagonistes et le sentiment d’étouffement ressenti par le public. Etouffement au bon sens du terme. Les spectateurs sont happés par l’histoire du film. Mille et une questions se bousculent dans leur tête. Certaines trouveront des réponses. D’autres des semi-réponses. Et pour le reste, le scénariste et réalisateur Mehdi M. Barsaoui a laissé libre choix au public de faire des suppositions.
Bon jeu d’acteurs, avec à l’affiche, entre autres, Sami Bouajila, Najla Ben Abdallah, Slah Msaddak, Noomen Hamda, Mohamed Ali Ben Jemaa et les deux enfants Youssef Khemiri et Qasim Rawane.
Belles images, bon montage, bon son. Il faut dire que ce film tunisien ne l’est pas à 100 %. L’équipe technique est, principalement, composée d’étrangers. Les productions sont Habib Attia, Marc Irmer, Chantal Fischer. Et il y a une nuée de coproducteurs étrangers. Mais cela n’est pas dérangeant.
Arrêtons avec la religion !
Ce qui nous a le plus dérangée, ce sont ces «images gratuites» qui n’apportent rien à l’histoire. Et là, il faut vraiment que les scénaristes et les réalisateurs arrêtent parce qu’à chaque fois c’est la religion qui en prend un coup et non les «islamistes» ou les salafistes !
Dans «Un fils», les premières séquences ne servent à rien. Voir des gens, hommes et femmes, boire de la bière en plein air et insulter les islamistes n’apporte rien au film. On peut être bons vivants sans passer par la dive bouteille, la bouteille verte ou la canette blanche et rouge, sans vulgarité et sans insultes. On pourrait se dire que Mehdi M. Barsaoui a fait cela juste par amusement et non par provocation. On pourrait se le dire sauf qu’il y a d’autres images gratuites dans le film qui prouvent le contraire. Par exemple, quand Fares et Meriem sont à l’hôpital, un soir. Ils se lèvent et partent. Et là la caméra s’attarde sur un homme qui prie dans la salle d’attente. A quoi sert ce plan ?
D’autre part, à un moment du scénario, Fares est avec le Docteur Dhaoui et une femme médecin noire et portant le voile (le plus important n’est pas qu’elle soit noire mais qu’elle porte le voile). Alors que le «père» d’Aziz s’apprête à sortir de la salle, la femme lui dit qu’il fallait qu’il s’en remette à Dieu. Fares s’arrête pour répliquer quelque chose mais finalement part. Heureusement que le scénariste n’a pas franchi la frontière…
Pour finir, nous nous posons la question de savoir pourquoi le choix de Meriem en prénom de la mère. On n’y fait pas souvent attention, mais les prénoms des personnages ont leur importance. L’on peut traduire Aziz par «cher au cœur», comme cet enfant chéri par ses parents, Fares par «valeureux», car il apprend que le fils qu’il a élevé pendant onze ans n’est ni de sa chair ni de son sang et pourtant il va tout faire pour le sauver. Et Meriem dans tout cela ? Serait-ce une référence à la Vierge Marie qui a eu un enfant qui n’était pas de son mari ? Ne jouons pas dans la provocation nous aussi ! Ce sont peut-être tout simplement des prénoms que Mehdi M. Barsaoui aime ou qu’il a nommé ses personnages ainsi en hommage à des amis ou des connaissances.
En tout cas, si l’on fait abstraction de tout cela, «Un fils» est un film à voir.
Zouhour HARBAOUI