La Côte d’Ivoire s’est réveillée ce lundi 20 janvier avec une bien triste nouvelle. L’une des doyennes de la musique ivoirienne moderne d’inspiration traditionnelle, Allah Thérèse, s’en est allée dans le silence de nuit, dimanche à 23H 10’’. Transportée d’urgence à la suite d’un malaise à l’hôpital de Djêkanou, elle n’aurait pas survécu « à un petit rhume ».
Pour les Ivoiriens, Allah Thérèse reste une femme authentique, dont la force des chansons se trouvent aussi bien dans le verbe, la parole, les proverbes que dans les sonorités de l’accordéon de son défunt époux N’goran La Loi, accordéoniste hors-pair.
Adulée par Houphouët-Boigny
Allah Thérèse était reconnaissable par sa coiffure unique (la femme de l’araignée en langue Baoulé), le pagne traditionnel attaché à la poitrine, un collier traditionnel au cou et les pieds nus. Cette cantatrice était toujours invitée aux grands rendez-vous lorsque des chefs d’Etat étrangers étaient l’hôte de Félix Houphouët-Boigny.
Le premier président de la Côte d’Ivoire l’aimait personnellement. Allah Thérèse en retour, le lui rendait bien. Elle chantait ses éloges, celles de ses invités, celles de ses compagnons de lutte pour l’indépendance. Les paroles dites en Baoulé étaient toujours traduites aux visiteurs et ceux-ci acquiesçaient par un sourire ou un hochement de la tête. La rhétorique chantée dont elle faisait preuve fascinait le père de la Nation ivoirienne. Nombreux sont les Ivoiriens qui ont aimé Allah Thérèse grâce à Houpjouët-Boigny.
La chanson, sa progéniture
Au-delà des titres dédiés au chef de l’Etat, Allah Thérèse chantait les faits sociaux, les injustices sociales. Elle confiera lors d’une interview que c’est à travers la musique qu’elle retrouve sa raison d’exister, elle qui n’a jamais eu la joie de l’enfantement. La musique était donc sa progéniture, ce par quoi « elle n’allait pas être oubliée après la mort ».
Son nom force le respect. Allah Thérèse a traversé le temps. Elle est restée égale à elle-même. Aussi bien au niveau de son art, qu’au niveau de son physique. « Depuis que nous sommes enfants, elle est restée pareil », a confié un mélomane.
Depuis quelques années, Allah Thérèse a refait surface. Son dernier album est sorti en 2015 trois ans avant le décès de son époux. Sa constance au devant de la scène devrait se manifester, une nouvelle fois, le 8 février prochain à Bouaké au centre du pays. Un nouvel album, post N’Goran La Loi, allait être dédicacé. Malheureusement la grande faucheuse a eu raison d’elle.
Honorée à titre costume
Fait chevalier dans l’ordre du mérite ivoirien, la chanteuse bénéficiait d’une pension mensuelle d’un montant de 300.000 FCFA, offerte gracieusement par le président Alassane Ouattara aux anciennes gloires du domaine des arts et de la culture qui ont fait rayonner le pays au plan national et international. Récemment, le chef de l’Etat, en plus de la maison qu’il avait fait construire pour elle, lui a offert une voiture toute neuve pour ses déplacements. Il a salué sa mémoire dans un hommage depuis Londres, où il est présent au sommet Royaumes Unis-Afrique.
Salif Traoré dit A’Salfo, commissaire général du FEMUA, a permis sa montée sur cette scène prestigieuse lors de la 12e édition en 2019. La mort d’Allah Thérèse a créé une onde de choc dans le milieu artistique. Le ministre de la Culture et de la Francophonie, Maurice Bandaman, a promis des obsèques dignes de son rang.
L’étoile s’en est allée. Elle brille dans le ciel et dans le cœur des mélomanes ivoiriens, toute génération confondue. Une des rares étoiles qui fait l’unanimité.
Sanou A.