L’artiste visuelle, photographe et vidéaste, Mouna Jemal Siala a été choisie pour représenter la Tunisie à l’occasion du festival Libre Art qui s’est tenu en Mauritanie, et ce, du 22 au 25 janvier. Elle nous a parlé de cette formidable expérience et a mis l’index le fait, que nous n’avons pas un événement d’envergure internationale dans le domaine des arts visuels…
Vous avez été la seule artiste tunisienne à avoir été invité dans le cadre du Festival Libre Art qui s’est tenu en Mauritanie. Qu’est-ce que cette manifestation ?
Libre Art est un festival né en 2009. Il a été créé par un collectif d’artistes plasticiens mauritaniens en vue de valoriser l’art et la création en Mauritanie. Cette année Amy So, l’artiste mauritanienne qui a ouvert il y a deux ans son espace ArtGallé à Nouakchott, a pris en main une 5e édition, avec pour thématique «Donner une seconde vie à la matière». Avec l’aide de l’Union européenne, elle a pu inviter cinq artistes étrangers dont deux du Maroc, Ezzeddine Abdelouhabi et Mohamed Elalami, un artiste togolais, Tete Azankpo, un artiste sénégalais, Barkinado Bokoum, et moi-même de Tunisie, et plus d’une dizaine d’artistes mauritaniens entre peintres, photographes, sculpteurs… Le festival s’est tenu du 22 au 25 janvier. Il y avait deux expos, des panels, des ateliers pour enfants, un défilé, du slam… Le tout dans une ambiance chaleureuse, riche en rencontres et échanges.
Qu’avez-vous présenté lors de cette manifestation ?
J’avais envoyé, par mail, une vidéo qui s’intitule «Ombre plastique», n’étant pas sûre que j’allais produire, sur place, en quatre ou cinq jours. Finalement, j’ai tellement été inspirée que j’ai produit sur place deux photos montages intitulées «Deux passages à Nouakchott», un diptyque photographique, «Double regard», et une deuxième vidéo que j’ai intitulée «Ombres plastiques».
Comme à mon habitude, c’est de mon entourage que je puise mes idées. Pendant quelques jours mon entourage était celui de Nouakchott. De plus, le thème de donner une seconde vie à la matière m’a donné l’envie réellement de transformer les ombres et les scènes du quotidien, en matières artistiques visuelles.
Quelle expérience avez-vous eue avec ce festival ?
Une expérience très intéressante et enrichissante. Un sentiment d’avoir contribué à la naissance de quelque chose dans le domaine des arts plastiques dans un pays frère. Nous avions tous mis du sien avec grand cœur et avec un esprit de partage.
Quel rapport avez-vous eu, aussi bien personnellement que professionnelles, avec les autres artistes des différents pays ?
Le choix d’Amy est vraiment judicieux car il y avait une entente entre les artistes et des échanges fructueux. Pour la plupart, on se connaissait juste de nom. On a, donc, eu l’occasion d’être dans une même expo. Cette rencontre nous a permis de discuter de projets artistiques à venir, de trouver des solutions à l’anarchie de notre domaine dans nos pays respectifs. J’ai animé, en duo avec l’artiste sénégalais Barkinado Boucom, un atelier de sensibilisation à l’art à partir de matière et d’objets trouvés aux alentours. Tete, l’artiste togolais, a animé, avec le plasticien mauritanien Oumar Ball, un atelier de sculpture. Ceci est très important, car, en Mauritanie, ils n’ont pas de cours d’arts plastiques dans leurs programmes scolaires ! Et, d’ailleurs, un des objectifs du festival Libre Art est d’éduquer les enfants aux arts plastiques et d’en dégager le potentiel qu’il y a en eux.
Pensez-vous que l’art et l’expérience en art tunisiens doivent plus s’exporter en Afrique subsaharienne ?
Une porte qui s’ouvre et une opportunité à saisir oui absolument, mais pas que subsaharienne, car déjà l’art tunisien n’est pas vraiment présent dans les plus grandes manifestations et expositions à l’étranger. Je ne parle pas des petites expos qui se font un peu pour promouvoir la culture tunisienne, mais des manifestations professionnelles telles que les foires d’arts, les biennales, les expos dans les musées…
Dans notre continent, on a déjà une des plus importantes biennales d’art contemporain, celle de Dakar. On a les Rencontres photographiques de Bamako, AddisPhotoFest à Addis Abéba, la Biennale du Caire, celle de Casa, de Rabat qui vient de clôturer sa première édition. Et voilà la Mauritanie avec le rêve d’Amy So… Il y a des musées qui ouvrent… Pratiquement, tous ces pays nous sont proches, aussi bien en distance qu’en Culture. En tous cas, en art, les frontières sont, normalement, abolies. L’art tunisien gagnerait à s’exporter dans ces pays et profiter de leurs expériences professionnelles, car, jusqu’à maintenant, nous n’avons pas un événement d’envergure internationale qui puisse attirer les critiques d’arts, les collectionneurs, les curators… de par le monde. Pourtant, ce ne sont pas les artistes ni la créativité qui manquent, mais…
Propos recueillis
par Zouhour HARBAOUI
Un commentaire
Félicitations pour l’artiste Mouna un modèle à suivre. Et bravo pour le journaliste pour la structure de l’article. Bonne continuation.