Après sa participation à la 8ème édition de “Inami international Wooden Sculpture” à Nanto City, au Japon, Sébastien Boko, artiste sculpteur béninois, a participé, du 1er au 18 décembre 2019, au “World Youth Forum” (Forum mondial des jeunes). Cet événement a eu lieu en Egypte et a réuni 50 sculpteurs venus de plusieurs pays du monde. Cette participation, pour l’artiste, est une motivation et une source d’inspiration de travailler sur son concept Guèlèdè. Il évoque, à travers cet entretien, l’importance et le rôle que le cœur doit jouer dans la vie de l’homme. Le cœur, symbole de la paix, doit écraser le mental et permettre une bonne évolution dans nos sociétés. A travers cet entretien, Sébastien Boko interpelle la génération montante pour une prise de conscience.
Vous étiez en Egypte pendant environ trois semaines. Que faisiez-vous là-bas?
J’étais à la “World Youth Forum”. C’est un événement organisé par l’Egypte et surtout un événement pour lequel le président égyptien tient à cœur. Parce qu’il s’est vraiment investi dans sa réalisation. C’est un forum énorme qui regroupe, non seulement les artistes, mais aussi des jeunes émergents dans diverses entreprises. Il y a des jeunes qui ont progressé dans la technologie, d’autres qui sont partis de rien pour arriver à devenir de grandes personnes. Il y a aussi des handicapés qui font des réalisations incroyables. C’est un forum qui permet aux participants de voir ce qui se passe dans les domaines de l’art et les nouvelles technologies qui se développent de nos jours, autour de la promotion des arts. Ce forum offre également des possibilités de pouvoir réussir. C’est un forum qui fait appel à toute la jeunesse du monde. Parce qu’il y a, presque tout le monde entier qui est représenté d’une manière ou d’une autre. Soit des étudiants ou des gens qui ont un niveau de professionnalisme et qui font des choses incroyables. L’architecture, le design sont représentés et c’est énorme. On était plus de 7000 participants. Moi, j’ai eu la chance d’être sur cet événement en tant que sculpteur et nous étions 50 sculpteurs venus du monde entier.
Notre présence a consisté à réaliser le monument mondial sur la paix. C’est une réalisation qui nous appelle, chacun, à réfléchir sur un cœur. Un cœur qui, non seulement, a un trait de notre culture et qui est aussi universel. C’est une réalisation qui va permettre à chacun de se retrouver.
En quoi votre participation a-t-elle consisté ?
Ma participation était pour représenter le Bénin comme d’autres sculpteurs présents qui représentaient aussi leur pays respectif.
Qu’avez-vous réalisé dans ce cadre ?
Là-bas, le travail consiste à faire une œuvre qui symbolise le cœur et qu’il y ait une trace de notre culture, de l’universalité dans ce travail que nous faisons. Un travail qui permet à ce qu’un être humain, où qu’il soit dans le monde entier, puisse savoir que c’est un cœur, symbole de la paix. Un cœur qui parle à tout le monde. Pour cette réalisation, j’ai utilisé le concept du Guèlèdè. Au niveau de la tête du masque Guèlèdè, j’ai surmonté un cœur. Ce cœur, écrase presque la tête. C’est une manière pour moi de dire qu’il est mieux d’utiliser notre cœur pour ressentir les choses et avoir plus d’émotions. L’humanité en a vraiment besoin. Si nous continuons tel que nous évoluons actuellement, c’est normal et c’est bien. Parfois, je dis que nous sommes tellement intelligents que nous ralentissons l’évolution de l’humanité. C’est une manière de dire que les choses vont empirer. Les humains iront à la catastrophe avant de vouloir se retourner. Mais cela serait dommage parce que le mal serait déjà commis et il serait difficile. Pour moi, il faudrait que le cœur écrase le mental. Parce que le mental capte les intérêts, la corruption et d’autres vices. Ainsi, nous passons loin des émotions. Nous devenons, en quelque sorte, des robots et c’est cela qu’il faut éviter. Si non, l’humanité perd son sens, en réalité.
Le concept sur lequel vous avez travaillé est-il nouveau pour vous ?
Non ! Dans mon travail intitulé »Voile », ce sont des choses que ma réflexion me dévoile. Je trouve que c’est toujours dans ma logique, ma manière de voir les choses. Sur cette base-là, je vais encore réaliser des choses.
En vous référant à votre vie d’artiste et votre environnement de vie, est-ce que cette réalité dont vous parlez est visible ?
Absolument ! Les humains n’arrêtent jamais de se faire la guerre. Ils n’arrêtent jamais de se tromper, de faire des choses immondes. Donc, la réalité est là et même si tout monde fait semblant de ne pas voir. C’est pour cela que la thématique sur laquelle je fonctionne beaucoup, me plaît énormément. Pour moi, cela représente les humains, nous sommes voilés, masqués. Il y a un grand côté de nous qui est complètement noir. A chaque fois, chacun met son masque et il empêche à ce qu’on le voit vraiment. Nous ne sommes pas des saints, mais disons les choses telles qu’elles sont. Les humains seront saints, des gens honnêtes et bons. Des gens qui réfléchissent bien, qui feront les choses de façon normale et nous allons progresser énormément. Mais vers quoi progressons-nous ? Je trouve que l’humanité est en train de faire son évolution de façon tranquille. Nous évoluons dans le bon sens, vers la catastrophe, mais sans se plaindre.
Qu’est-ce que cette participation a changé en vous ?
Ce n’est pas tous les jours que je participe à des événements. Ce sont des grands artistes venus du monde entier avec des différentes techniques de travail, c’est incroyable. Il fallait être là pour comprendre. L’on se rend compte qu’il reste beaucoup à apprendre. Du coup, si l’on est intelligent, l’on peut tirer le bon côté de l’Afrique et le travail s’améliore. Parmi les 50 sculpteurs, il y en a qui utilisent les verres, la pierre, le sable, le marbre, le granite et un peu de tout. C’était une belle expérience pour moi. C’est grâce à cet événement que j’ai touché, pour la première fois, la pierre. J’ai fait l’expérience de tailler la pierre. C’est un événement qui est bien organisé et nous étions dans de bonnes conditions. J’ai remarqué que le président égyptien a une grande vision globale des choses. Il est aussi important que la jeunesse du monde, en général, et celle de l’Afrique francophone, en particulier, comprenne que nous avons de grands défis. Parce que, sur ce forum, j’ai trouvé que la jeunesse francophone n’était vraiment pas représentée. Nous étions des jeunes francophones, mais nous n’étions pas représentés dans le sens où tout se passait en anglais. Même si l’on vient de la France, l’on devrait parler l’anglais. Cette jeunesse a un grand défi parce que nous devons parler l’anglais. Aujourd’hui, il faut que nous parvenions à parler deux langues : le français et l’anglais. Cela devrait être normal.
Pensez-vous que le Bénin peut abriter un tel événement ?
Ce n’est pas possible. Cet événement est d’une grande envergure. Cela pourrait être possible dans la mesure où nous avons des infrastructures, mais pas de cette envergure. Nous étions 5000 ou 7000 personnes venues un peu partout du monde entier. L’on ne peut pas imaginer, mais c’est la réalité. Il y a le transport et la logistique de même que les dispositifs sécuritaires qui y étaient.
Quel est votre mot de fin ?
Pour l’instant, je mets du sérieux dans ma carrière. Je sais exactement ce que je fais et j’ai ma vision du futur. J’essaie de travailler tous les jours pour atteindre mon objectif. J’ai envie de faire connaître mon pays au-delà des frontières et faire connaître mon travail aussi. Je pense que la jeunesse peut avoir cette envie d’apprendre, de connaître et de découvrir beaucoup plus.
Propos recueillis par J. T.