Soixante kilos est le poids de certains tambours utilisés par «Ruciteme Karyenda Culture de Buyenzi», un groupe du Burundi, ayant participé au Marché des Arts du Spectacle d’Abidjan (MASA).
«Ruciteme Karyenda Culture de Buyenzi» est un groupe de tambourinaires du Burundi, créé en 1987, composé de membres âgés entre 8 et 50 ans. Pour ses prestations à l’occasion du Marché des Arts du Spectacle d’Abidjan, la majorité des membres, jeunes hommes et jeunes femmes, avait entre 20 et 35 ans. Il faut avoir une certaine vigoureux pour frapper -du moins pour les hommes ; battre du tambour est interdit aux femmes- des tambours de 60 kilos et les transporter sur la tête comme de vulgaires calebasses.
Les sons donnés à travers les différents morceaux joués ont fait vibrer les différentes scènes sur lesquelles ont eu lieu les prestations. L’on peut, aisément, imaginer les vibrations aussi bien extérieures qu’intérieures -au fond des spectateurs. Des vibrations apportant la joie et la paix, car non martiales.
Il faut savoir que les tambours au Burundi sont des instruments à percussion traditionnels qui occupent une place mythique dans la culture burundaise. Leur origine vient d’une tradition royale, qui faisaient d’eux «des objets sacrés, réservés aux événements exceptionnels» ; d’ailleurs ils étaient «réservés aux seuls ritualistes», et battus «que lors des circonstances exceptionnelles et à des fins rituelles». «Ils proclamaient les plus grands événements du pays» comme les intronisations et les funérailles des souverains
Il est à noter que le mot «ingoma», désignant le tambour, signifie également le royaume. Les tambours ont même leur sanctuaire au Burundi : l’«Ingoro y’ingoma» (palais des tambours).
Cette tradition millénaire était héréditaire, c’est-à-dire qu’elle était initiée de père en fils, et aurait pour origine des bergers Hutu au service du roi.
Certains tambourinaires expliquent qu’il existe, depuis la nuit des temps, des relations intimes entre les tambours et «l’agriculture, la fécondité, sa peau comparable au berceau du bébé, ses chevilles aux seins d’une femme, son corps au ventre». D’ailleurs, à travers l’histoire du Burundi, les tambours «rythmaient, dans la joie et dans la ferveur de tous les Burundais, le cycle régulier des saisons qui assurait la prospérité des troupeaux et des champs».
Même s’ils ne sont plus battus pour des événements royaux, il n’en reste pas moins que les tambours restent des instrument vénérés et populaires.
Mais les tambours du Burundi ne sont pas uniquement de la musique, puisque les tambourinaires sont accompagnés par des danses, de la poésie héroïque et des chants traditionnels, ce qui permet aux femmes d’avoir leur place au sein des troupes. En effet, un article d’un décret datant du 20 octobre 2017 «portant réglementation de l’exploitation du tambour aux niveaux national et international» interdit strictement aux femmes de battre le tambour.
Notons, par ailleurs, que les tambours du Burundi sont inscrits au patrimoine immatériel de l’humanité de l’Unesco depuis le 27 novembre 2014.
Zouhour HARBAOUI