La Côte d’Ivoire a une identité musicale qui est ignoré depuis des décennies par les ivoiriens eux même. « Z à Z, l’alphabet musicale commence par Z, chez au pays (Côte d’Ivoire) tous se chante en Z. Ziglibity, Ziguehi, Zoblago, Zouglou, Zogôda ». Notre cher regretté Nst Cophie’s avait tracé le chemin pour une identité musicale que nous devions suivre pour être fort sur le marché de la danse et de la musique en Afrique et dans le monde.
Ces concepts musicaux que sont le Ziglibity d’Ernesto Djédjé, le Ziguehi avec tous ces ténors qui ont donné naissance au Nouchi, le Zoblago de Frederick Ehui Meiway, et le Zogôda ou encore le Zoppio Dance de l’artiste feu Nst Cophie’s auraient pu constituer un repère sûr en termes d’identité, de promotion et de commercialisation à la musique ivoirienne. Malheureusement, pauvre de notre éducation artistique, nous avons et continuons de tuer nos concepts. Ou sont passé ces concepts du zouglou ? Le Lôgôbi, le Kpaklo, le Gnakpa, le Moumanmou, le Zinglin ; etc. Pourquoi ces concepts, ont-ils disparus aussi rapidement comme la feuille de paille ? Quel est le concept dansant actuellement dans le Zouglou ?
Le constat que nous faisons repose sur la persistance et la gravité avec laquelle se pose la perte ou encore la dégradation des concepts et styles musicaux ivoiriens qui auraient pu maintenir la musique ivoirienne a un haut niveau en ce qui concerne sa créativité et son originalité.
Ou sont passé ces concepts du Coupé Décalé ? ‘’Festiboulance’’ avec Tata Kheny, ‘’Kamora’’’ avec Christy B, ‘’Sentiment môkô’’’, ‘’le Kpangô’’, ‘’avec Arafat DJ , le ‘’Sheloubouka’’ avec Arsenal DJ, ‘’Aile de pigeon’’ avec Shanaka Yakusa, ‘’Konami’’ avec DJ Kilabongo, ‘’Caméra’’ avec NCM, ‘’Bobaraba’’ avec DJ Mix et Elloh, ‘’le Shamakuana’’ avec Vetcho Lolas, ‘’Fatigué-fatigué’’ avec Francky Dicaprio, ‘’Simakpéss’’ avec DJ Jacob, ‘’le pistolero’’ avec Maty dollar, ‘’le Kuitata’’’, avec Claire Bahi, ‘, ‘’Corrigé corrigé’’, avec Serges Beynaud, ‘’le Katara’’ avec DJ Mix, et bien d’autres. La liste est longue. Ou sont passés ces concepts dansants aujourd’hui ? Où est passé le ‘’Mapouka’’, ‘’La danse du chien’’, le ‘’Sôgôman sangui’’, le ‘’Nawa dance’’, le ‘’Gnèze moule’’ etc. Malheureusement, nous n’avons su conserver ces patrimoines tout simplement parce que notre politique de l’éducation artistique du public reste très faible. La Côte d’ivoire musicalement aurait pu être une grande source de créativité de danse en Afrique et dans le monde si et seulement nous avions juste compris l’importance de l’éducation artistique.
La nouvelle génération d’artiste doit s’inspirer du Ziglibity, du Ziguehi, Zoblago, Zouglou, Zogôda. Nous avons encore Meiway. Il faut pérenniser le zoblazo en incitant les jeunes artistes à se pencher sur ce style. N’attendons pas la mort de Meiway avant de chercher à relancer son concept.
Aujourd’hui, la Côte d’Ivoire perd un Grand artiste, un Grand Homme de la culture. Nst Cophie’s est aujourd’hui décédé comme Ernesto Djédjé, Gnahoré Djimmy et biens d’autres. Après leurs décès, leurs concepts sont aussi partis avec eux. Nous savons créer mais nous ne savons pas pérenniser nos concepts. Hier, le Ziglibity et le Polié sont mort avec Ernesto Djedje et Gnahoré Djimmy. Aujourd’hui, C’est Nst Cophie’s qui part avec ces concepts ’’Zopio dance’’ et ‘’le Zogoda’.’
Nst Cophie’s, de son vrai nom Ernest Koffi, originaire de Dimbokro, le maitre du Zogôda, a connu un gros succès dans les années 80 à 90 en Côte d’Ivoire avec ses œuvres Faya Largeau, Zôgôda N’zoué, Zopio dance. Son look séducteur était très apprécié par les femmes surtout avec ces couleurs rouge et noir. L’homme aux cheveux frisés et au skaï avait le secret de danser avec la tête. Ce producteur était un homme de grand talent.
Nst Coffie’s était beaucoup inspiré des genres musicaux de Lougah François, Ernesto Djédjé, Sonny Okosun, Cavacha et de la musique américaine. L’œuvre d’Nst Cophie’s, est simplement un cocktail qui allie jazz, funk, rock et variété ivoirienne. Ce sont au moins, une dizaine d’albums dont ’’Tam-tam des villes’’, ‘’Faya largeau’’, ‘’Z à Z’’, ‘’Dimbokro’’, ‘’Modal center’’, ‘’NST Cophies’ N’golètio’’, ‘’Back to mother land’’, que Nst Cophie’s a offert à ces fans, a la Côte d’ivoire. Comment la Côte d’Ivoire gère ce patrimoine immatériel ? Toute la musique de NST Cophie’s était appliquée à l’identité musicale ivoirienne. Un cocktail de brassage entre l’Europe, l’Amérique et l’Afrique. Toujours à la recherche d’excellent produit pour son public, Nst Cophie’s venait de donner «Djantraman», à la Côte d’Ivoire. Un opus qui comprend son Best of.
Un décès qui interpelle
Avec le décès de Nst cophie’s, la question de la pérennisation des concepts musicaux ivoiriens reste posée. A ce jour, seul le Zouglou a pu tenir parce que des générations se sont accaparées ce concept. Le résultat le plus réel est le groupe Magic System. Si le Zouglou a une valeur scientifique en ce jour, il n’en ait rien du Ziglibity, du Ziguehi, du Zoblago, et du Zogôda. Le manque de recherche et l’abandon des œuvres de certains artistes comme Ernesto Djédjé, Lougah François, Guehi Victor sont aussi la cause du manque de repère de la jeune génération d’artistes ivoiriens. Je le répète, la Côte d’Ivoire musicalement aurait pu être une grande source de créativité de danse en Afrique et dans le monde. Ce qui aurait pu booster son industrie musicale si et seulement nous avions juste compris l’importance de l’éducation artistique du public.
L’éducation artistique
La Côte d’Ivoire est dotée d’une loi culturelle selon la loi n° 2014-425 du 14 juillet 2014 portant politique culturelle nationale avec plusieurs articles dont « la favorisation du libre accès de toutes les populations aux arts, à la culture et à l’éducation artistique ». Ce qui traduit le droit des populations ivoiriennes à avoir accès aux arts, à la culture et à l’éducation artistique.
Pourquoi l’éducation artistique ? L’éducation artistique du public permettre une meilleure valorisation de l’artiste et de son œuvre ; une meilleure consommation et une bonne connaissance de son patrimoine culturel matériel et immatériel. Comment les journalistes culturels peuvent faciliter cette éducation artistique du public qui devrait lui permettre de faire de bon choix de consommation culturelle ? Le public consomme mieux un produit culturel lorsqu’ il a un minium de connaissance sur l’univers qui a vu naître l’œuvre de l’artiste. Il finit par devenir un fan qui a son tour décide de faire comme l’artiste. L’exemple des chinois et de Dj Arafat est la meilleure illustration de cette vérité
Sans éducation artistique du public, il ne peut y avoir de consommation culturelle durable. L’éducation artistique du public incombe aux journalistes culturels, aux éducateurs culturels et autres. Il y a des responsabilités qu’il faut mettre en relief parce qu’elle équilibre toute une société. Les arts et la culture occupent une place importante dans le développement de la Côte d’Ivoire.
Être garant de l’actualité culturelle en Côte d’Ivoire est une énorme responsabilité pour les journalistes culturels. Avons-nous déjà réalisé l’ampleur de cette responsabilité ? C’est en cela que Jean Luc LAGARDETTE, auteur et journaliste dit et je cite : « Pensez au lectorat ! Vous êtes un médiateur entre lui et le monde. Il compte sur vous pour trouver ce qu’il a besoin de savoir pour mener au mieux son existence ». Ce qui signifie que l’équilibre et l’épanouissement culturel et artistique du public incombe au journaliste culturel. Il faut savoir que le rôle du journaliste culturel dans la promotion des arts et de la culture par les médias est un enjeu majeur pour la stabilité culturelle et artistique de la Côte d’Ivoire. Les ministères de la Communication et de la Culture doivent mettre à la disposition de ces derniers le nécessaire pour mieux les outillés a réussi cette mission. Le journaliste culturel est un intermédiaire entre le produit et le public. Il est le lien, la transition entre le champ d’activité culturelle et la société représentée par le public (lectorats, auditeurs, téléspectateurs).
Nous dévalorisons et perdons aux files des années des biens culturels matériels et immatériels parce que nous ignorons que ces biens sont pour l’éducation artistique et culturelle du public. Les conséquences sont graves parce qu’elles créent la disparition des produits culturels, dont la perte de patrimoine culturel. Le niveau de l’éducation artistique du théâtre, du cinéma, de la littérature, des arts plastiques, de la musique, de la danse, de la mode, etc. sont visible à l’œil nu. Nous connaissons toute l’audience de ces produits dans notre société.
Les créateurs, les hommes de la production, les décideurs et les journalistes culturels doivent savoir qu’ils ont une grande responsabilité vue a vis-à-vis du public. Il faut bien comprendre ces choses. J’ai l’habitude de dire que c’est la critique qui enrichi une œuvre parce qu’elle aura permis au public, potentiel consommateur de produits culturels de mieux comprendre et d’apprécier le génie créateur de l’artiste. Les regards des professionnels des médias, des décideurs, des créateurs et du public doivent changer.
C’est une grande ignorance et un grand obstacle au développement de la culture de penser que le public doit inconsciemment consommer les produits artistiques. Lorsque le consommateur comprend mieux la démarche artistique, ils participent au développement, car son langage change et sa perception pour l’artiste et de sa création change à ces yeux. Il se dit que ce produit est vital pour lui.
Il faut savoir que les activités artistiques soumises à l’entendement du public ne sont pas fortuites. Elles ont une conséquence. Savez-vous pourquoi tant de personnes réclamaient Varietoscope ou continue de réclamer Podium ? Savez-vous pourquoi le théâtre en Côte d’Ivoire a perdu une très grande audience au niveau du public ? Ignorez l’éducation artistique du public, potentiel consommateur des arts et de la culture, est la pire des choses qui puissent arriver à une société.
Nul n’ignore que la perte de ces valeurs musicales est un coup dur pour le développement de la Côte d’Ivoire culturelle et artistique.
Par Christian GUEHI Hervé
Journaliste culturel / Critique d’art
Spécialiste des questions de promotion des arts
Et de la culture par les médias
Auteur
guehichristianh@gmail.com