Article produit dans le cadre de la 1ère session de la formation en critique d’art organisée par l’Agence Panafricaine d’Ingénierie Culturelle – APIC
« Quand la douleur et la tristesse s’emparent de notre être, comment nous en sortir ? » ‘’Espace vide : moi’’ est une chorégraphie solo de l’Ivoirienne Nadia Beugré créée en 2007. Sur une scène quasi vide, à la lumière sombre, une musique mélancolique en fond sonore, la danseuse exprime ou du moins essaie d’extérioriser le poids de la douleur ou de la peur qui l’accable. Elle se sent seule au monde et désemparée.
Par Magnificate Loba (Côte d’Ivoire)
Dos recourbé, comme si elle recherchait quelque chose par terre, tenant l’ahoco (instrument de musique traditionnelle des Baoulés de Côte d’Ivoire) entre ses mains. Avec cet un instrument de musique, jouant à un rythme lent puis saccadé, Nadia lâche la boule qui retombe et roule au sol. A cet instant, elle entonne un chant plaintif à la fois triste, espérant que quelqu’un lui réponde, mais rien. Ce chant qui semble dire, ‘’je t’appelle, pourquoi ne me réponds-tu pas ?’’. Peut-être un dialogue qu’elle essaie d’établir ! Malgré tous ses efforts, ce n’est que l’écho de sa voix qui lui revient. Elle se rend alors compte de sa solitude, dans ce monde si grand. Malgré ce fait, son esprit refuse de l’accepter, et l’emmène à ouvrir grandement les bras attendant que quelqu’un vienne s’y jeter. Encore une fois, personne.
Sur la scène, c’est une Nadia remplie de rage contre le poids de la douleur qui l’assaille. Comme enfermée à l’intérieur de ses douleurs, de sa peur et de ses angoisses, elle essaie d’en sortir. Cependant, il n’y a aucune ouverture possible et c’est comme si ce vide la maintenait en captivité, la poursuivait, la contraignait à y rester.
En maitresse absolue, la chorégraphe occupe aisément la scène afin de mieux faire comprendre le poids de la douleur, de l’angoisse et de la peur qui ont désormais raison d’elle. Telle une personne résignée, elle se laisse dominer par cette mélancolie, cette solitude qui fait d’elle son ‘’esclave’’. Mais elle se montre plus forte que ses douleurs, avec l’effacement de son corps au sol, elle tente de trouver l’équilibre.
Un pas à gauche, un pas à droite, roulant sur le sol, tapant du pied, les efforts fournis pour reprendre le contrôle de son être, restent vains. Ce vide qu’elle n’a pas cherché, la poursuit partout et a fini par avoir raison d’elle en prenant possession de tout son être, de tout son corps. A cet instant précis, la musique devient grave, la scène s’assombrit davantage, le corps débordant d’énergie. Elle se prend la tête entre les mains, la balançant en avant, en arrière. La lutte engagée pour sortir de cette douleur est intense ; et pourtant, tout son être est paralysé. Ce vide qui est arrivé sans crier gare est entrain de ravager sa vie, son moral, ses pensées. Il a d’ailleurs fini par s’installer. Maintenant qu’il est là, que pourrait-elle faire ? Comment l’accepter et vivre avec lui ?
On pourrait dire que cette chorégraphie en solo ‘’Un espace vide : Moi’’ de Nadia Beugré est l’ensemble des émotions ressenties, peu de temps après le décès de Béatrice Kombe en 2007, celle avec qui elle a créé la Compagnie Tché Tché en 1997.
Cependant, l’on pourrait retenir cette belle pensée : malgré le poids des émotions, de la douleur, de l’angoisse ou de la peur qui nous accable, il faut toujours voir la vie en rose, comme nous le montre Nadia avec l’épis de rose à la fin de la prestation !
A toute situation que l’on pense désespérante, il existe toujours une issue favorable. Il faut juste accepter de renaitre comme Nadia. En s’enveloppant dans son pantalon, telle une chenille dans sa chrysalide pour une nouvelle vie pleine d’espoir.
Certes la chorégraphie est belle à voir, mais il faudrait au spectateur beaucoup de concentration pour bien comprendre le message véhiculer qui, d’ailleurs, n’est pas évident.