Dans ma série je suis cynique et je le reste, aujourd’hui je vais parler d’un sujet grave qui a, quelque peu, colonisé certaines productions audiovisuelles au détriment d’autres questions plus intéressantes : la fidélité à l’infidélité…
Par Zouhour HARBAOUI
Les séries africaines subsahariennes n’arrivant pas jusqu’à chez moi, là-haut en Tunisie, j’ai décidé, depuis quelques temps déjà, de m’auto-cultiver et de me rattraper en la matière à travers le Net (heureusement qu’il y a des plateformes pour cela), en regardant tout ce que je pouvais regarder. Il est vrai que, pour commencer, je me suis concentrée sur trois pays d’Afrique de l’Ouest, pour une question de langue, d’abord, puis de «maîtrise» du pays : le Sénégal, la Côte d’Ivoire, et le Burkina Faso ; en attendant de voyager, virtuellement s’entend, vers le Mali, la Guinée, etc.
Pour le Sénégal, cela a été un peu compliqué puisque la plupart des séries sont en wolof -séries qu’on appelle, en général, «théâtre sénégalais»- et que j’ai perdu le peu de wolof que j’avais appris. Heureusement qu’il y a quelques séries qui sont en français -attention ce n’est pas une question de colonisation mais d’exportation ! Il y a une série sénégalaise qui a fait polémique, mais que je n’ai pas encore vue : «Maîtresse d’un homme marié». Mais le titre intéresse mon billet de cette semaine.
Côté Côte d’Ivoire, il y avait la célèbre série «Ma famille» de laquelle j’ai vite décroché. J’ai vu d’autres séries, dont j’ai oublié le titre car cela fait longtemps. Mais, je suis impatiente de voir «Cacao».
»Voilà, c’est montré à la télé donc c’est permis ! »
En fait, le plus grand nombre de séries africaines subsahariennes que j’ai visionné est d’origine burkinabè : «Trois hommes et un village», «Trois femmes et un village», «Super flics», toutes les séries de Boubakar Diallo («Série noire à Koulbi», «Fabiola», «La team des belles rebelles», etc.), «L’as du lycée», etc.
Il y a quelque chose qui est ressorti de tous ces visionnages, et peu importe la nationalité de la série : c’est la fidélité à l’infidélité. Tout le monde trompe tout le monde et ça plaît aux spectateurs, tout simplement parce que c’est une de leurs réalités. C’est aussi comme si être infidèle était tout à fait naturel ; une idée confortée par ce qui est montré sur le petit écran. Voilà, c’est montré à la télé donc c’est permis ! Le problème, justement, c’est qu’il n’y a pas de «leçon de moral». Même si les infidèles des séries se retrouvent dans des situations cocasses, cela fait rire les spectateurs, mais cela ne les fait pas réfléchir aux conséquences réelles de leur infidélité. Pour vulgariser : ménages brisées, enfants malheureux dont bon nombre vont suivre les traces de l’infidélité une fois adulte, avortements illégaux et mortels suite à des grossesses non désirées, bébés abandonnés, prostitution, maladies, etc. Et après, on va aller prier à la mosquée, à l’église, à la paroisse ou au temple pour se faire pardonner. Il y en a qui devraient relire les Livres Saints…
Quand je vois le titre d’une série comme «Maîtresse d’un homme marié», je me dis qu’il faut arrêter de jouer avec des sujets aussi graves. Attention, je ne suis pas prude, mais je pense qu’il y a des sujets qu’on peut sous-entendre sans axer toute une série sur ça. Puis, franchement, le titre est, pour moi, ridicule. Dites-moi, à part maîtresse, dans le sens sexuel, d’un homme marié, on est maîtresse de quoi ? Parce que maîtresse d’un homme qui n’est pas marié, ce n’est plus le statut de «maîtresse» mais de copine, petite-amie, relation… J’imagine bien le titre d’une série : «Amant d’une femme mariée»…
»Je ne pense pas que l’infidélité soit une coutume »
Dans la série burkinabè «Super flics», les infidélités de l’inspecteur Marc lourdent grandement certains épisodes et me confortent dans mon idée que les hommes ne pensent pas avec leur tête mais avec leur queue… S’il vous plaît, ce n’est pas de la vulgarité mais une réalité.
Je pense que la «nouvelle» génération de réalisateurs de séries vont faire dans l’infidélité à l’infidélité. C’est une bonne chose. Certains «anciens» ont commencé. Je pense, notamment, à Boubakar Diallo (même s’il est à l’origine, avec Damien Glez, de «Super flics»). Pourquoi j’aime autant ses œuvres ? Tout simplement parce que ses séries -et même ses films- sont des œuvres de sensibilisation, comme il y a un théâtre de sensibilisation : lutte contre la violence faite aux femmes, problèmes de procréation avec des conséquences psychologiques, incitation à cotiser à la sécurité sociale, etc. Pour moi, peu importe le côté technique, même si les fautes de raccords me sautent aux yeux. Je ne me suis jamais considérée comme une critique, mais simplement comme journaliste. Puis, quand je regarde une série c’est le plaisir qu’elle me donne que je vois. Elle me permet, aussi, de voyager, de connaître les us et coutumes, etc. Mais, là est une autre histoire.
Je ne pense pas que l’infidélité soit une coutume, une tradition, ou une normalité. On ne peut pas donner l’image d’un pays en faisant dans la fidélité à l’infidélité…
Zouhour HARBAOUI