Nous avons de bons dramaturges africains, mais nos metteurs en scène font semblant de ne pas le savoir…
Zouhour HARBAOUI
«Et si tu as eu autant de succès au festival »Poètes, Lumières du monde », ce n’est pas grâce à eux. C’est parce que tu es AFRICAIN et qu’il faut toujours que les Européens prennent sous leurs ailes un pauvre petit AFRICAIN, pour faire oublier les exactions de leur passé colonial. Si tu es si bon que tu le dis : pourquoi ne t’ont-ils pas trouvé un boulot ? Je vais répondre : tout simplement parce qu’ils ont trouvé un autre pauvre petit AFRICAIN à chapeauter !». Cette tirade est tirée de la pièce «Une si simple histoire» que j’ai écrite avec un ami artiste béninois, Bardol Migan.
Pourquoi j’ai choisi cet extrait ? Non, ce n’est pas pour dire que j’écris des pièces (je le fais simplement pour le plaisir), mais ce passage résume, en quelque sorte, la suite.
J’ai toujours été quelque peu «énervée» par le choix de certains metteurs en scène africains, qui ne le font pas par conviction mais pour avoir de l’argent. En choisissant de mettre en scène des dramaturges comme Molière ou encore Bernard-Marie Koltès, ils ne cherchent qu’à avoir des fonds, des instituts français et autres instituts européens, ou d’institutions occidentales, pour (sur)vivre. Chercher l’argent là où il est, c’est, pour moi, se vendre !
Nous avons, en Afrique, de bonnes plumes, de bonnes capacités dans la dramaturgie ! Je le sais tout simplement parce que j’ai assisté à des ateliers d’écriture dramatique, comme «Femmes en scène» (Côte d’Ivoire).
«Femmes en scène», ou «Chantier panafricain d’écriture dramatique des femmes de Grand-Bassam» (initié par Ablas Ouédraogo et Zié Coulibaly) permettait à des femmes africaines du continent ou de la diaspora de mettre en valeur leur savoir-faire en matière d’écriture, de jeu d’actrices, de scénographie, de mise en scène. De bonnes pièces sont sorties de ce chantier, qui, malheureusement, faute de moyens («Femmes en scène» prenait tout en charge), a dû s’arrêter après quelques éditions. Il y a aussi les Récréatrales (Burkina Faso), initiés par Etienne Minoungou, qui pourraient être un bon vivier de dramaturges africains. Il me semble, aussi, qu’il y a une résidence d’écriture au Togo, menée par Léonard Yakanou.
Le problème est que les metteurs en scène préfèrent choisir des auteurs européens pour ce que j’ai écrit plus haut, ou des auteurs africains pris sous les ailes des Européens. Il existe des dramaturges qui pensent être indépendants dans leurs idées, mais qui, au final, sont manipulés par les Occidentaux. Et ils produisent, excusez ma vulgarité, une pure merde dans laquelle ils dégradent l’image de leur pays, de notre continent. Les Européens les encensent puis se débarrassent d’eux pour en choisir d’autres, d’où ma tirade : «C’est parce que tu es AFRICAIN et qu’il faut toujours que les Européens prennent sous leurs ailes un pauvre petit AFRICAIN (…) ils ont trouvé un autre pauvre petit AFRICAIN à chapeauter !».
J’aimerais bien qu’on arrête de faire de la lèche. J’aimerais bien que les pièces de théâtre africaines s’exportent non pas parce qu’elles font plaisir aux Européens, mais parce qu’elles montrent la vraie valeur de nos dramaturges, leur savoir-faire.
J’aimerais que le théâtre arrête de faire son cinéma pour, tout simplement, faire son théâtre ! Mais je crois que je me fais des films…