Situation insatisfaisante. Complaintes. Comment ne pas se rappeler ici « La Mort et le Bûcheron » de La Fontaine? Avec « La tortue sur le dos » illustrée par Assi Sébastien et traduite en anglais par Appia Kouadio (Tortoise on her back), Michelle Tanon-Lora nous rappelle le fabuliste français.
Par Soilé Cheick Amidou
Kôlôh la tortue est triste. Elle « est la plus lente de la forêt. Sa lenteur la rend souvent triste… » (P.5). Elle envie les autres animaux pour leur rapidité à se déplacer. Un jour, revenant du marigot, elle tombe à la renverse et ne peut se relever. Sa carapace et ses pattes deviennent ses ennemies. Elle a besoin de secours. Mais personne ne connaît cette piste qui lui permettait d’éviter les quolibets. Elle craint le trépas brutal. Elle crie « Je vais mourir. Je vais mourir… » (P.15). Pas d’aide jusqu’au passage inattendu de Tébéyoh la vipère qui la trouve assoiffée et affamée. Ouf! L’heureuse rescapée remercie son messie et retourne en famille. C’est l’allégresse. Elle a compris que les plaintes ne sont pas toujours lucides. D’où la moralité de ce récit: « Mieux vaut aller lentement plutôt que de ne pas avancer du tout » (P.27).
Dans ce récit, Michelle Tanon-Lora nous invite à prohiber l’envie, ce sentiment corrosif qui nous pousse à demeurer dans l’insatisfaction sempiternelle. Et cela engendre forcément des jérémiades. Alors, nous n’avons d’yeux que pour ce que nous n’avons pas. Un péché plus que véniel que dénonce l’auteure. Sans vouloir nous inculquer la résignation, elle nous apprend à être moins geignards.
Cette œuvre, c’est aussi une belle leçon de solidarité. Tébéyoh vole au secours de la « naufragée ». Cette aide salvatrice exprime éloquemment l’altruisme. Voici que des animaux s’aident. Pendant ce temps, les hommes, ces roseaux pensants, se poignardent des armes de la méchanceté et de la sauvagerie. Ironie du sort pour ces êtres qu’on a toujours présentés comme créés à l’image de Yaveh. Plus loin dans la trame, l’on perçoit la rutilante reconnaissance de Kôlôh. Ne dit-elle pas « Merci Tébéyoh! Merci de m’avoir sauvé la vie » (P.23)? Des principes de vie à nous enseignés par des bêtes. L’humanité aurait un visage plus rayonnant si l’homme faisait siens ces sages enseignements.
L’écriture dans « La tortue sur le dos » est très accessible vu la cible. Un ouvrage très bien aéré et facile à lire. Mieux, la traduction en anglais est un autre motif de satisfaction et de volonté d’éduquer nos enfants.
Au total, un récit très didactique avec des illustrations pertinentes. Un conte pour enfants comme on aime dans un pays déchiré comme le nôtre, où intolérance et tribalisme sont le lot quotidien. Et des livres comme ça, on en redemande.
Michelle Tanon-Lora, « La tortue sur le dos », éd. Les Classiques ivoiriens.