On parle beaucoup de restitutions des patrimoines culturels africains. Mais sommes-nous prêts, nous Africains, à voir ces œuvres rentrer aux pays ?

Par Zouhour HARBAOUI
Il ne faut pas crier victoire trop tôt. Il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs. Il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Il ne faut pas mettre les paillasses avant de construire la mosquée. Ce sont toutes les expressions auxquelles je pense quand j’entends parler de restitution du patrimoine culturel africain, ou, plutôt, de restitutions des patrimoines culturels africains.
Beaucoup crient «victoire» après la décision prise de restituer ces biens culturels. Mais, à y regarder de plus près, est-ce réellement une victoire ? Et une victoire pour qui ?
Nos différents gouvernements sont-ils capables de gérer ces restitutions, alors qu’ils sont, parfois, incapables de gérer leurs pays réciproques ? Puis, il faut avoir des structures dignes de ce nom pour pouvoir accueillir les restitutions.
Pour moi, il n’y a que trois pays qui puissent accueillir son patrimoine culturel : la Tunisie, avec le musée du Bardo, l’Egypte avec le musée du Caire, et, pour l’Afrique subsaharienne, le Sénégal, grâce à son musée des civilisations noires (MCN), sis à Dakar, et encore ! J’écris «et encore» car ce dernier lieu manque sacrément de muséographie, soit un manque d’ensemble des techniques de conception et d’organisation des musées. Bref, le Sénégal peut accueillir son patrimoine et le conserver à la vue de tout le monde. Par contre, est-ce que les autres pays qui réclament un retour de leurs biens sont capables de les conserver ? Il est vrai que -normalement- dans tous les pays africains, il existe des musées. Mais ces musées sont-ils capables, vu l’état dans lequel ils se trouvent, de préserver les objets ancestraux et historiques ? Personnellement, j’en doute fort.
Puis, réclamer la restitution du patrimoine est une volonté plus politique que culturelle. Vous croyez que les hommes politiques en ont quelque chose à faire du patrimoine ? Ils veulent seulement épater la galerie… Je trouve qu’il serait plus intéressant de laisser les œuvres là où elles sont (puisque, qu’on le veuille ou non, elles sont très bien conservées !) et de les louer, à l’année, aux musées qui les exposent. Parce que ces musées occidentaux, à l’instar de celui du Quai Branly-Jacques Chirac, se font, quand même, de l’argent sur le dos des patrimoines africains, et autres. Ou alors de les confier -si l’on veut qu’ils soient sur le territoire africain-, pour une période donnée, au MCN.
Il faudrait, aussi, vérifier, avant de récupérer ces biens, dans quels cadres ils ont quitté leurs pays d’origine : vol, cadeau, don, etc. Imaginez un peu si la France devait restituer l’obélisque de la place de la Concorde à l’Egypte alors que c’est un cadeau du vice-roi d’Egypte à Champollion. Ne dit-on pas donner c’est donner, reprendre c’est voler ?