Nous faisons allusion aux écrivains les plus féconds, les plus productifs. Nous ne portons aucun jugement sur la qualité de leurs œuvres ; nous nous intéressons juste au nombre de livres publiés. Néanmoins l’idée d’opposer la quantité à la qualité est souvent erronée. Il y a des auteurs qui allient quantité et qualité avec le même panache.
Une œuvre littéraire est une création ; c’est pour cette raison, d’ailleurs, que l’écrivain est assimilé à un démiurge. Écrire un livre demande de l’inspiration, mais aussi du temps et de la persévérance. C’est déjà un grand mérite de figurer parmi les écrivains les plus féconds d’un pays.
Parmi les facteurs qui déterminent la productivité chez un écrivain, on peut citer :
1) La passion : L’écriture chez ces écrivains relève d’une boulimie. Plus ils écrivent, plus ils se sentent mieux. L’acte d’écrire les aide à mieux se sentir psychologiquement. La création littéraire leur sert d’exutoire.
2) La disponibilité : Les activités professionnelles mangent le temps des créateurs. Elles ne leur permettent pas toujours d’achever un manuscrit entamé. Il faut, certes, que l’écrivain soit visité par la muse, mais il faut qu’il dispose du temps pour l’accueillir et pétrifier ce qu’elle lui dicte.
3) La longévité : Bernard Dadié a publié son premier livre en 1933 (Les Villes). Décédé en 2018, on note qu’il a eu une carrière scripturaire assez longue. Une telle longévité autorise une grande productivité. Charles Nokan depuis 1956 est sur la scène littéraire. Il vit et continue d’écrire.
Les raisons citées plus haut ne sont certainement pas les seules. Avant de répondre à la question (Qui sont les écrivains ivoiriens les plus prolifiques ?), nous allons passer en revue le nombre de publications des écrivains, vivants et morts, susceptibles d’être élus.
Les données ci-dessous sont le fruit de notre expérience de lecteurs, mais aussi de nos recherches tant sur le net qu’auprès des écrivains eux-mêmes (pour certains) et des éditeurs (les plus coopératifs).
Les chiffres consignés dans ce papier sont « arrêtés » sous réserve d’une mise à jour ou d’une actualisation. Nous avons fait fi des publications d’articles scientifiques et des ouvrages post-colloques et des ouvrages collectifs que nous citons, parfois, au passage.
Nous avons choisi de commencer par les plus anciens. En littérature, l’ancienneté est liée à la date de publication du premier livre. Ainsi, si du point de vue de l’âge biologique, Macaire ETTY est le doyen de François D’Assise N’Dah, du point de vue littéraire, le petit baoulé est « l’ainé » (tchrrr) de son grand frère.
* – BERNARD DADIÉ, le père de la littérature ivoirienne, a écrit les Villes (Chronique) en 1933. L’Ancêtre qui a surfé sur tous les genres a publié avant de rejoindre « brôlô », sous réserve d’une mise à jour avec ses publications posthumes, 24 œuvres littéraires dont 6 chroniques, 9 œuvres théâtrales, 3 nouvelles, 2 recueils de contes, 3 recueils poétiques, 1 autobiographie.
* – CHARLES NOKAN, la plume indocile, a écrit à titre individuel 31 livres. Bien établi comme l’un des doyens en vie de la littérature ivoirienne, l’enfant de Yamoussoukro continue de produire. Il a par exemple chez l’Encre Bleue, m’a révélé Charles Pémont, 2 livres sous presse et 6 autres manuscrits à la saisie. Une confidence : l’écrivain communiste continue d’écrire à la main.
* ISAIE BITON KOULIBALY, qui a publié son premier livre en 1977 (Ma Joie en Lui) a publié 30 livres répartis comme suit : Littérature pour enfant/Jeunesse (2), nouvelles (12), romans (10), essai/études (3), Chroniques (3). IBK.
* RÉGINA YAOU, au moment où elle quittait ce monde, avait à son actif 21 livres dont 8 écrits sous pseudonyme dans les collections Adoras (NEI-CEDA) et Clair de Lune (PUCI). Régina Yaou a publié son premier livre en 1982. Son roman LA CITADINE écrit en 1977 est jusque-là inédit.
* VÉRONIQUE TADJO a publié Latérite en 1983. À ce jour, elle compte dans sa bibliographie 23 livres dont 14 livres de jeunesse.
* TANELLA BONI est présente dans le monde du livre depuis 1984 avec la publication de Labyrinthe. Son essai « Habiter selon Tanella Boni » a porté son compteur à 29 livres. Poétesse reconnue mondialement, elle a écrit un scénario en 2012 intitulé La Révolte du Cœur.
* JEAN PIERRE MUKENDI a publié environ 25 livres repartis de la manière suivante : 1 essai publié en 1999, 11 romans, 6 contes, 2 livres de théâtres, 1 ouvrage poétique et 4 manuels didactiques.
* CAMARA NANGALA : L’enfant terrible de Katiola est auteur de 26 œuvres composées essentiellement de romans et de livres pour enfants. C’est un écrivain constant qui parcourt la Côte d’Ivoire pour promouvoir ses ouvrages par des conférences et des cafés littéraires. (Nous n’avons pas pu avoir la date de publication de son premier roman)
* FRANÇOIS D’ASSISE N’DAH a publié son premier livre individuel en 2001. Il est auteur de 25 livres individuels. Il a participé à 3 livres collectifs. (Il faut dormir mon ami)
* SERGE BILÉ est auteur de 20 ouvrages dont deux comédies musicales. En outre, il a participé à 1 ouvrage collectif sur Dadié. Il publie ses deux premiers livres en 2005 dont Noirs dans les camps Nazis
* MARGUÉRITE ABOUET, notre championne en bande dessinée, a écrit 20 albums en tenant compte de tous les 6 Tomes de Aya de Yopougon. C’est en 2005, qu’elle signe sa naissance officielle en littérature (bande dessinée)
* FATOU KÉITA est auteure de 21 livres, dont 2 romans. Le Petit Garçon bleu édité en 2006 l’a propulsé sur la scène littéraire avec un prix littéraire, faisant d’elle la reine du genre.
* JOSUE GUEBO est auteur, et ce depuis 2009, à titre individuel, de 25 œuvres littéraires (wahou !!!= dont 12 ouvrages poétiques, 1 recueil de nouvelles, 5 livres pour jeunesse, 3 recueils de chroniques, 2 essais, 1 dictionnaire (Dictionnaire des mots et expressions du français ivoirien), 1 œuvre de théâtre. Le talentueux poète a participé à 9 ouvrages collectifs.
* MICHELLE LORA, la princesse de la littérature pour enfants, compte, à son actif, 23 livres individuels pour jeunesse. Et ce n’est pas tout : elle a coordonné la publication de 2 livres collectifs. Elle a publié son premier livre La ceinture de Madame la tortue en 2009.
* En dessous de ces plumes fécondes, viennent les écrivains, auteurs d’au moins dix livres que sont MAURICE BANDAMAN, FODJO K. ABO, AMADOU KOUROUMA, VENANCE KONAN, TIBURCE KOFFI, MACAIRE ETTY, MATHURIN GOLIBI IRIE, LAZARE KOFFI KOFFI, etc.
Finalement, QUI EST L’ECRIVAIN IVOIRIEN LE PLUS PRODUCTIF ?
En tenant compte du nombre de livres individuels publiés, CHARLES NOKAN pourrait avec ses 31 publications être vu comme l’écrivain ivoirien le plus prolifique. Il est suivi de près par BITON, auteur de 30 livres. Toutefois, une telle conclusion semble incomplète car elle ne prend pas en compte la durée de la carrière des écrivains.
Si NOKAN qui écrit depuis 1956 a enregistré 31 livres édités, Josué Guebo propulsé sur la scène du livre seulement en 2009 a un compteur assez parlant avec 25 livres. Statistiquement, Josué Guébo a publié durant sa carrière (11 ans) en moyenne, 2, 27 livres/ an, alors que NOKAN en 64 ans a publié en moyenne 0,48 livres / an.
Attention, il faut lire jusqu’au bout. Connaissez-vous KOFFI KWAHULÉ ? Très peu connu en Côte d’Ivoire, il est à mon avis, le plus grand dramaturge de notre pays et le dramaturge ivoirien le plus joué à l’international. De 1993 en 2020, il a publié au total 52 livres dont 33 œuvres théâtrales. Il est par le nombre l’auteur le plus fécond de notre pays. En 27 ans de carrière, il a publié en moyenne 1,92 livres/ an.
Pour finir, si Koffi Kwayulé a publié plus de livres que ses confrères/consœurs ivoiriens, JOSUÉ GUÉBO est par le rythme, l’écrivain le plus prolifique de notre pays.
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Macaire ETTY, Président de l’Association des écrivains de Côte d’Ivoire (AECI)