« Aujourd’hui, le théâtre renaît de ses cendres ». Cette affirmation est celle de la ministre d’Etat, ministre des Affaires Etrangères de Cote d’Ivoire Kandia Camara qui est restée de 22 heures à 01 heures du matin à suivre la pièce de théâtre « Drôle de femme » le samedi 12 juin dans la salle du Palais des congres de l’hôtel Ivoire à Abidjan.
Acte 2 du spectacle « drôle de femme ». Il est 22 heures lorsque le public venu nombreux occupe promptement l’ensemble des sièges disponibles et commence à converser au sujet des comédiennes de cette soirée théâtrale. Alors que les discussions vont bon train avec le partage de lots des partenaires, l’annonce des discours impose un silence dans la salle. Puis un tonnerre d’applaudissements s’ensuit. Puis le rideau s’ouvre pour faire place à la pièce de théâtre.
La ministre d’Etat, ministre des Affaires Etrangères Kandia Camara n’était pas la seule autorité à soutenir cette soirée de renaissance du théâtre ivoirien organisée par Caroline Dasylva, la célèbre animatrice de l’émission à succès C’midi.
CRITIQUE
Que peut-on dire de cette pièce de théâtre qu’ont vu les ministres Raymonde Koudou, Mamadou Touré, Koné Mamadou et les représentants de la première dame Dominique Ouattara et celui du ministre de la Culture et de l’industrie des arts et du spectacle, à côté de plus de 3000 spectateurs ce jour.
« Drôles de femmes » est un spectacle 100% féminin qui porte la griffe de Mediatis Côte d’Ivoire, et qui est resté fidèle à son objectif premier. Celui de valoriser la femme à travers une éblouissante fresque théâtrale opposant dans un conflit générationnel de braves dames que Caroline Da Silva se plait à nommer les « Pagneuses » et les « Collantières ».
« Drôle de femmes » est une histoire qui met en conflit deux générations de femmes qui vivent au cœur de la ville dans une cour commune dans laquelle est installée un petit bistro. D’un côté on a des jeunes filles ou « Collantières » guidées par l’impulsion, leurs désirs de jeunesse ou le sexe, le fétiche, la drogue, la prostitution, l’insouciance. De l’autre côté, on a des dames âgées ou les « Pagneuses » qui ont aussi un vécu et qui s’attèlent à conseiller ces jeunes filles sur leur dérive.
Le hic de cette histoire, c’est lorsque la police antidrogue s’infiltre dans cette cour commune à travers un agent qui sera considéré comme propriétaire de cette cour commune. Un drame surviendra. La petite collégienne fille d’une des « Pagneuses » dans son insouciance trouvera la mort à cause de la drogue. Il situation créée par la faute d’une des « Collantières ».
C’est donc une pièce de deux heures, qui ambitionne remettre le théâtre au goût du jour et l’insérer dans les habitudes des Ivoiriens. A travers le thème de cette édition 2021 ’’l’Education de la jeune fille et l’autonomisation de la femme’’, la pièce aborde certaines problématiques liées à la femme, notamment les inégalités du genre, les violences, l’immigration, l’accès à l’éducation, la prostitution, la drogue, avec pour seul et unique but de sensibiliser et éduquer la société. A travers l’évocation de ce thème, Caroline Dasylva et son équipe s’assignent la mission de stimuler l’évolution des mentalités à l’égard des femmes par la valorisation des talents féminins.
Dès l’entame de cette pièce, on entendait des grondements du tonnerre comme s’il allait pleuvoir. L’obscurité dans laquelle cette cour était plongée communique une mélancolie comme si un drame allait se produire dans la suite de l’action. Lorsque les projecteurs « douchent » la scène, on aperçoit une silhouette en mouvement. Dans un monologue, des pas de danse sont exécutés dans un style de danse jazz. Cette danse d’expression générique laisse entrevoir la singularité des pas dans un mélange surprenant entre énergie et décontraction presque nonchalante.
Les positions des pieds en parallèle de la danseuse lui permettent une grande liberté du corps dans un style individuel et surtout improviser. Plus les jambes fléchissent, plus elles sont plus près du sol. De l’exorcisme, pouvait-on croire. La mobilité de ses épaules, du bassin, de la colonne vertébrale et des grands déplacements donnait du goût à la suite du spectacle.
Cette pièce de théâtre a été découpée en scène qui représentait une tranche de cette histoire cadrée par un décor d’une cour commune. La nature de ce décor monté par Tagba Marius était tellement réaliste, moderne, simple, si bien qu’on se croyait véritablement dans une cour commune à Abobo ou encore à Koumassi. Cette pièce de théâtre a mis en scène des personnages de condition moyenne et des événements communs qui ne se terminaient pas bien malgré le rire qui a dominé tout le spectacle.
Dans cette mise en scène, on retrouve la responsabilité qui émane du théâtre engagé à travers des tares pour souligner les problèmes de la liberté des êtres humains et leurs contraintes pour parvenir à l’épanouissement. Les aventures ordinaires et contemporaines autour de l’argent, l’ambition sociale, les violences, l’immigration, l’accès à l’éducation, la prostitution, la drogue ont été révélateur dans « drôles de femme ». Les personnages de cette scène étaient des personnages familiers relatant mieux le vécu de la basse classe dans la cour commune ou l’un des rêves des habitants était de se retrouver dans un immeuble loin des partages des toilettes et autres constats dans la cour commune.
Nous avons vu une pièce avec une tonalité réaliste relative, qui est le reflet d’une société donnée ou le rire fait partie intégrante avec la cohabitation malgré les démêlés à travers des farces grossières ou de gestes, de situation et de caractère. Dans cette pièce mise en scène par Vagba Elisée, on retrouve des accessoires, des costumes qui parfois n’étaient pas assez justifiés.
Dans ce conflit de génération, l’accent, les expressions, les répétitions et les mots crus étaient au rendez-vous. On a eu aussi des déguisements, des quiproquos, des surprises qui ont plongé dans le comique. Il fallait voir la Ministre Kandia et ses collègues ainsi que la salle rire avec plaisir. Le côté satirique de cette pièce a été vraiment pourvu avec moquerie à l’égard des « pagneuses ». La réplique a été fortement présentée dans cette pièce telle un appel reponse qui parfois donnait lieu à des coups de violence chez les « pagneurses ». S’il y a un élément qui a été perçu comme sensible, c’est bien la présentation des travers sociaux mettant en scène plusieurs mœurs dont est confronté la jeune fille dans sa recherche de l’épanouissement.
Le maquillage était réaliste. Mais, comme les comédiennes étaient déjà des vedettes, leur physique était déjà communiqué. Donc l’image du maquillage n’avait pas assez d’impacts dans l’émotion à communiquer. Durant toute la durée de cette pièce, l’éclairage a tenté d’être réaliste, mais il a eu beaucoup de mal à mettre en relief et en contexte certaines actions dans le temps et l’atmosphère appropriés. Une chose est sûre, les comédiennes ont réussi à briser le mur de glace qui existait entre elles et le public.
Les différentes chorégraphies tirées du jazz et de la variété dans leurs enchainements étaient plutôt violentes avec des mouvements durs, carrés et précis. Les tenues militaires que portaient les danseuses dans cette scène sur une musique assez cadencée annonçaient surement quelque chose d’inhabituel et triste. Le chorégraphe N’Dri Mathieu, on va le dire, a su communiquer sur ce que l’on peut penser d’une situation tragique. Et oui, avec des grondements de tonnerre, le dénouement de cette pièce fut ce drame ou Sarra Messan, la petite collégienne finit par perdre la vie, gisant dans une mare de sang. Un véritable coup de théâtre qui a laissé les spectateurs dans un étonnement et qui a bouleversé ce qu’ils pensaient de cette fin.
Certains éléments ont constitué un véritable bémol pour cette pièce. Elle semble beaucoup trop longue. 2 heures pour une pièce de théâtre sonnent le spectateur. Les scènes deviennent moins pertinentes et percutantes. La durée du spectacle a été moins appréciée. Ce qui signifie qu’il y a des scènes qui pouvaient ne pas figurer. Et qui auraient aidé à faire l’économie du temps. En somme « Drôle de femme » est une agréable pièce qui mérité toute l’attention du public ivoirien. Pour cette sortie, nous lui attribuons la note de 7/10. Nous attendons Caroline Dasylva et sa bande à l’édition 2022. Elle qui est si créatrice et ouverte saura trouver la formule.
Christian Guehi
Journaliste culture
Christian art
guehichristianh@gmail.com