Le Salon des grandes cimaises d’Abidjan (SGCA) a ouvert ses portes ce 26 juin à Cocody Mermoz, dans la sublime villa des hôtes, Sopi. Une centaine de peintres, sculpteurs, grapheurs, tisseurs… exposent leurs créations jusqu’au 10 juillet. Parmi les hommes, trônent quelques créations de femmes qui marquent par la force de l’écriture et l’originalité du style. Durant la période de l’exposition, Farafina Culture leur donne la parole pour qu’elles reviennent sur leur arrivée à l’art, les difficultés rencontrées, leur esthétique et leur vision. Pour ce numéro 1, Ozoua Harmonie dite Ozoua qui vit et travaille à Abidjan, parle d’elle et de son art.
L’harmonie en pointillé…
« J’ai eu la fibre artistique depuis l’enfance. A l’école primaire, je ne faisais que l’art. Je ne jouais pas avec les autres enfants. J’étais toujours à l’écart. J’avais mon petit cahier. Je créais des histoires et je réalisais des bandes dessinées. C’était mon jeu. J’avais mon monde à moi et je communiquais avec mes dessins.
A partir de la classe de 4e, j’ai insisté auprès de mon père pour m’inscrire dans une école d’art. Il m’a d’abord demandé de continuer les études générales. C’est après que je suis allée à Abengourou où il y avait une école d’art, le centre de peinture Charles Bieth. Après les cours, l’après-midi j’y allais. Je partais aussi au CRAMA, qui est un conservatoire régional qui se trouve aussi à Abengourou. J’y ai passé un an.
Durant cette période, je peignais pour mon plaisir. Je faisais des portraits et des décors d’intérieur pour me sentir artiste ».
Le pointillisme…
« Pour moi, la contemporanéité étant l’art du temps, il a fallu se transformer. A la base, je suis accessoiriste. Je bricole des colliers, j’habille des chaussures… Le pointillisme m’a été inspirée par les perles. J’ai commencé à réaliser des œuvres avec les perles. Le processus étant long et éphémère lors de la conservation de l’œuvre, je me suis inspirée de ces premières créations pour affiner mon écriture. Les points pour moi, représentent des milliers de perles versées sur la toile. Du fait que j’adore la couleur, toutes les teintes, ça donne le résultat que vous voyez. `
En tant qu’africaine, je valorise d’abord mes origines, mon identité. La colonisation a dominé la question de l’identité dans nos pays, surtout au niveau des femmes. De nos jours, on est toutes artificielles. Les jeunes filles se sentent belles lorsqu’elles portent des chevelures longues et lisses comme celles des femmes occidentales. Alors qu’en Afrique, non seulement nous avons de beaux cheveux, avec les tresses nous avons une identité, cela fait partie de nous et c’est par ça qu’on nous reconnait ».
Femme artiste…
« Le processus de création se fait naturellement. A tout moment, dès que j’ai une idée, je m’exprime sur ma toile. Généralement je fais des fonds, je communique avec la toile pendant des heures et je transpose ce que j’ai en tête. C’est le tableau qui m’impose une image. Je sors les formes, et j’appose mon écriture.
Je ne désire pas une place spéciale dans le milieu. Certes je suis une femme, mais qu’on ne me catégorise pas. Pour moi, je suis peintre au même titre que tout autre artiste. Je suis un homme avec un grand ‘’H’’. Le métier d’art n’est pas destiné à un genre. C’est vrai que dans le milieu les hommes dominent. Cela s’explique par les charges sociales en tant que femme. Une femme peut mettre fin à sa carrière pour faire plaisir à son homme. Il y a les voyages, les sorties… et l’homme peut douter de son épouse.
J’ai vécu tout ce que je dis. Aujourd’hui, après de nombreuses luttes, je suis là. J’ai fait le choix d’épouser ma peinture. Ce n’est pas que je n’ai pas de compagnon, mais je priorise mon art.
De nombreuses femmes ivoiriennes viennent de plus en plus à l’art. c’est difficile, le chemin est long, mais il faut avancer. Beaucoup optent pour l’enseignement et leur talent meurt là-bas. C’est pourquoi nous nourrissons l’idée de mettre en place une association ivoirienne de femmes peintres afin de créer un espace de soutien et de solidarité professionnelle. Ce n’est pas qu’une artiste ne peut pas se marier. Mais il faut que le conjoint l’épouse avec son métier ».
Propos recueillis par SANOU A.