Eiffel est une belle histoire d’amour romancée à souhait entre Gustave Eiffel (Romain Duris) et Adrienne Bourgès (Emma Mackey). Mais pas que…
Eiffel est l’histoire de la « Dame de fer », la Tour Eiffel, cette mastodonte de plus de 300m de haut, plus de 7000 tonnes de fer, symbole de la France moderne. Mais pas que…
Le long-métrage évènement (108 min) de Martin Bourboulon, produit par Vanessa Van Zuylen, dont la sortie ouest-africaine est programmée ce 15 octobre, a été projetée en avant-première, le 7 octobre au cinéma Majestic Prima à Abidjan.
Le réalisateur met en parallèle (aussi bien au niveau de l’histoire que de la technique) la relation amoureuse entre Gustave Eiffel et Adrienne Bourgès, et les péripéties de la construction de la Tour.

Jeune ingénieur de 28 ans, Gustave entretient une histoire d’amour avec Adrienne (18 ans), fille d’une famille bourgeoise. Toute chose qui n’est pas du goût des parents d’Adrienne. Gustave perd de vue Adrienne. Les retrouvailles avec son amour vont changer le cours de ses projets…
Si le titre retenu, « Eiffel », annonce inconsciemment un biopic (c’est le sentiment qu’on a avant de le voir), ce n’en est pas un. Le cinéphile découvre très vite en toile de fond, une idylle qui constitue l’énergie, la force de la production. Ce socle, bâti par des flash-backs « softs » intelligemment intégrés tout le long du film, jauge le rythme donné à la construction de la dame de fer : les moments de doute, de clairvoyance, de conviction. Deux histoires s’entremêlent, s’entrechoquent, s’embellissent.
Gustave, qui avait refusé la construction d’une structure de fer proposée par ses ingénieurs, en devient le fervent défenseur au point d’hypothéquer tous ses biens pour la voir se réaliser. Que s’est-il passé ?
Les retrouvailles avec Adrienne ont impacté sa vie. Son amour pour elle détermine les mouvements du film. Avec elle, « le temps suspend son vol ». Le rythme est lent, statique. Les regards sont profonds, le silence domine, la quiétude est de mise… Les séquences avec Adrienne sont des pauses à la fougue, la folie de Gustave. C’est aussi là, que la musique, sous la direction d’Alexandre Desplat, « adoucit les mœurs » du cinéphile, comme elle adoucit celles de Gustave.

Eiffel, si l’on se réfère à la Tour, mais aussi à l’imaginaire qui le sous-tend, est une ode à l’amour. La représentation de la structure métallique en forme de « A » majuscule est une sublimation des sentiments de Gustave pour Adrienne et sa matérialisation. Et le plan de fin, « ce A », dans le dessin de la tour, sonne comme l’élément à retenir, pour de bon.
Eiffel est aussi un engagement politique et social. Politique car le projet de la construction d’une œuvre monumentale et spectaculaire en vue de l’Exposition Universelle de 1889 est une volonté du gouvernement français. Social, car dans son idylle avec Adrienne (avant qu’ils ne se séparent), la différence de classe a constitué la cause du refus des parents de la jeune fille à leur mariage. C’est pourquoi, la Tour Eiffel doit être vu et « accessible à tous », sans distinction. Gustave est un homme proche de ses ouvriers. Il ne manque pas d’occasion de monter au crédo pour les calmer, les galvaniser et les encourager.
Au niveau des images et des plans, c’est une carte postale de la ville de Paris de la fin du XIXe siècle que l’on découvre. Une ville avec la Tour Eiffel naissante et ses piliers monumentaux. Martin Bourboulon joue avec la lumière, surtout celle du jour. Le coucher du soleil illumine en plan serré, tantôt un baiser entre Gustave et Adrienne, tantôt des vues panoramiques (en plan large) du chantier avec ses nombreux figurants. Le tout, soutenu par la mélodie. Lorsque la musique est rythmée, cela accentue le suspens, la cadence de la construction.

Le costume est d’époque et cadre parfaitement avec la réalité des scènes. Des abysses des chantiers aux salons feutrés, en passant par les fêtes et les cérémonies officielles, les acteurs sont les témoins vestimentaires de leur époque. Et le cinéphile effectue un voyage réussi dans le XIXe siècle.
Pourtant, le film d’une heure 48 minutes, abouti techniquement avec de belles images et une musique captivante qui devait être le meilleur ambassadeur de l’un des symboles les plus visités de la ville de Paris et du monde, emprunte trop à la fiction. Si Adrienne Bourgès a bien existé dans la vie de Gustave, rien n’est sûr que la « Tour Eiffel » lui est dédiée. « La force du cinéma tient en sa capacité à se glisser à ce que l’histoire ne dit pas et à offrir une matière romanesque puissante en développant une hypothèse : Eiffel aurait décidé de construire cette tour… dans un geste d’amour pour Adrienne », reconnait Bourboulon.

Pis, cette histoire excellemment romancée, ayant bénéficiée d’un financement de plus de 23 millions d’Euros, pourraient créer, dans l’imaginaire collectif, surtout des non Français, des confusions sur la vraie l’histoire de la Tour. Pourquoi travestir une partie de l’histoire alors qu’on s’est inscrit dans la réalité historique ? « C’est une fiction », semble la réponse. Mais la dame de fer avait-elle vraiment besoin de cette confusion ? Elle qui est visitée, en moyenne, par sept millions de personnes/an. On se le demande bien.
En somme, « Eiffel » est un grand moment de cinéma à vivre. La déception pourrait venir du fait qu’on n’a qu’un bout de l’élévation de la Tour (juste le premier étage). Cela pourrait aussi venir du fait que tout ce travail historique ne débouche que sur une romance non vérifiée. Mais on sera très vite emballé par la qualité de l’interprétation des acteurs (Romain Duris et Emma Mackey) et la force de leur amour.
Sanou A.