C’est reparti ! L’Institut national supérieur des arts et de l’action culturelle (INSAAC) a lancé ce 26 novembre la saison 2021-2022 de son activité de promotion et de relance du théâtre ivoirien, « Au théâtre du vendredi », dans la salle Bitty Moro au sein de l’école à Cocody.
« Sur la pelouse », une adaptation du drame d’Hakim Bah mise en scène par Ahouné Aké Marx a ouvert le bal. Les comédiens Philippe Arnaud Kouakou et Kamouni Ogabolégainin ont tenu en haleine le beau public qui a effectué le déplacement.
Inspirée d’un fait réel, c’est l’histoire du commandant « fout la trouille » qui doit faire face à la justice internationale après avoir massacré des manifestants aux mains nues. Dos au mur, il tente de faire porter le chapeau à sa brigadière.
La pièce met en lumière les violences de l’armée contre les civils en période de crise. Mieux, elle insiste sur les barbaries faites aux femmes avec leurs corolaires de violence corporelle, de viol et de grossièreté.
Dès le début de la pièce, les comédiens préparent la conscience du spectateur à travers un chant de l’armée : « Serrez les cœurs, ça va chauffer » ; Le chant situe et circonscrit le cadre.
La pièce est une profonde réflexion sur la responsabilité des répressions au sein de l’armée. Qui en est le responsable ? Celui qui applique ou celui qui ordonne ? Qui ordonne ? Le commandant ? Son supérieur ? Les autorités étatiques ? La chaîne n’est jamais remontée car on trouve toujours un bouc émissaire au bas de l’échelle.
La pièce dénonce aussi les germes des massacres, des génocides. A savoir la réduction des opposants, des manifestants, des contestataires à la bestialité au point où les tuer reviendrait à faire du bien à l’humanité. « Les cerveaux congelés qui voulaient coûte que coûte descendre dans la rue », argumente le commandant « fout la trouille ».
Le metteur en scène choque pour mettre sous les feux des projecteurs la laideur du viol et des violences perpétrées sur les femmes. « J’ai fait plus que tu as fait ma brigadière. J’ai maté des derrières fumés de cul. Et pas n’importe quel cul. Des culs de conasses. Des conasses j’en ai baisées. Il y avait plein de bombasses dans la foule, je les ai toutes baisées. Pas une ne m’a échappé. D’abord moi et ensuite ma Kalache… Ma kalache dans leurs vagins. Pas plus doux, pas plus beau… ça lui plait aussi le sexe de femme… La kalache dans le vagin ça ne se voit pas tous les jours. Le monde entier devrait me décorer pour cette sacrée belle pratique ».
L’ignominie, la bassesse, la décadence sont mis en lumière, pas forcément sur un fond de tristesse. En effet, les comédiens trouvent le moyen de faire rire. Oui, on rit beaucoup durant la représentation grâce à la capacité des artistes à faire passer en dérision un sujet aussi sérieux. Ce qui permet au spectateur de ne jamais s’ennuyer. Or sort d’un fou rire pour tomber dans un moment de grande tristesse et vice versa.
Si les comédiens ont porté la pièce avec maestria, à travers un jeu parfait, une bonne occupation scénique, il ne demeure pas moins qu’au début de la pièce, le débit des voix était rapide. Le trac y était pour quelque chose. Heureusement qu’ils ont réussi à le surmonter très vite.
« Sur la pelouse » est une pièce engagée pour la cause de la femme qui mérite d’être vue par tous ceux qui pensent à la cause féminine. Elle est révoltante, par moment, troublante, mais ouvre une lueur d’espoir, le bourreau prend une balle à la fin.
Cette année, « Au théâtre du vendredi » se fera en quinzaine avec une alternance avec des projections de films. L’Ecole supérieure de Théâtre, de cinéma et d’audiovisuel (ESTAC) veut promouvoir ses deux arts (Théâtre et cinéma).
Sanou A.