La politique culturelle est primordiale. Pour les Etats, ce système est d’une importance afin de faciliter les acteurs dudit domaine à mieux s’investir. C’est en cela que Emile Zida, chef de division culture de la Cedeao, a accordé cet entretien pour expliquer le rôle de cette Institution dans l’accompagnement des Etats membres. C’était dans le cadre de la 12ème édition du Marché des Arts du Spectacles d’Abidjan (Masa).
Propos recueillis par Julien Tohoundjo
Dans le cadre de la promotion de la culture, nous remarquons une coopération insuffisante entre les Etats de la région. Situez-nous comment cela se manifeste dans la sous-région ouest africaine.
Il faut situer qu’il y a une insuffisance de coopération entre les Etats de la région. Il y a des accords de coopération, mais on se demande si elles sont fonctionnelles. Aussi, on ne sent pas un flux de produit culturel d’un Etat à l’autre comme il se le devait alors que c’est un marché commun que nous devons construire. En évoquant le cas du Nigéria, je souligne qu’il peut être une opportunité pour les autres Etats dans la région. Les autres Etats anglophones comme lusophones pour constituer un marché et c’est aussi une opportunité pour le Nigéria même. Mais on sent un cloisonnement qui s’explique par quoi ? D’abord, c’est là, notre rôle de travailler pour mieux développer le marché régional, à mieux connaître les produits, mettre en place des mécanismes qui permettent aux uns et aux autres de se connaître et de découvrir ces opportunités qui sont essentiels pour toute la région. Nous pensons qu’en travaillant et en développant le marché régional, en créant des initiatives où des événements fédérateurs, les gens se connaîtront davantage si non, la question de la langue ne peut pas être un blocage. Je pense que c’est à nous de travailler et j’interpelle les acteurs culturels privés et de surtout mettre l’accent sur des initiatives fédératrices qui vont permettre de développer ce marché régional et de renforcer la coopération entre les acteurs.
En matière de règlement des conflits sociaux, quelle est la politique mise en place par la division culturelle de la Cedeao pour aider les pays membre à relever ce défi ?
La politique culturelle adoptée en décembre 2019 a prévu un axe essentiel qui est la promotion des valeurs culturelles pour la paix. Il s’agit de l’éducation artistique et culturelle. Cela veut dire que nous pouvons utiliser les valeurs culturelles qui sont intrinsèques vraiment pour aider à régler les conflits et surtout à les prévenir. Nous savons que la culture a des valeurs très essentielles de même que des acteurs qui peuvent contribuer, d’une manière ou d’une autre, à la résolution des conflits. Au niveau institutionnel, Etats de la région, nous avons mis en place un forum qu’est le “Forum Régional sur l’Education à la Culture de la Paix” à travers le dialogue intra et inter religieux. Ce forum, tous les deux ans, permet de réunir les leaders avec les acteurs religieux pour réfléchir sur un des thématiques et prendre des engagements pour aboutir à des actions qui peuvent mettre en exergue la contribution de la culture pour la prévention des conflits. Il s’agit surtout de la lutte contre la radicalisation et l’extrémisme violent. A ce niveau, le département éducation, science et culture, à travers sa division éducation, en partenariat avec la deuxième culture, travaille à la formation des leaders religieux, notamment des imams venant de 4 pays (Niger, Nigéria, le Mali et le Burkina Faso) sur comment améliorer les contenus éducatifs des prêches et des enseignements. Cela permet d’utiliser les prêches qui sont non violant, de lutter contre la radicalisation. Je pense que ce programme de formation a donné des résultats et nous comptons continuer dans ce sens. A travers le forum régional, nous incitons les états à mettre des foras au niveau national pour mettre en exergue la contribution de la culture pour la paix.
Dans ce sens, ne faut-il pas une politique de vulgarisation des langues ?
Il faut dire que la question linguistique a été prise en compte dans le premier axe de la politique culturelle sur la protection et la promotion du patrimoine et de la diversité culturelle et linguistique. Donc, nous ne nous mettons pas cette question de la langue, mais les formations pour la paix, je veux dire les actions pour la paix, sont, pour la plus part, basées sur un manuel qui existe au niveau de la Cedeao. Il s’agit du manuel de référence sur l’éducation à la culture de la paix et qui a été traduit en neuf langues locales, au moins. Cette année, ce manuel sera traduit en langue Arabe. Puisque si nous voulons travailler avec des cibles qui, pour la plus part, ne comprenne pas français, il faut le traduire pour qu’ils comprennent mieux et que ce manuel soit diffusé. Cela va permettre que ces derniers puissent comprendre ce qu’est les valeurs des droits humains, de citoyenneté et qui est important pour la paix. Si non, nous travaillons et réfléchissons sur la question linguistique.
Selon vous, la question du développement du secteur de la culture est-il subordonné du pouvoir politique en place ?
Lorsque vous parlez du développement du secteur culturel à l’échelle du continent, la culture ne peut être développée que par ses acteurs. Qui sont ces acteurs ? Vous ne pouvez pas omettre les acteurs publics. Mais je pense que cette question des industries culturelles et créatives s’adresse beaucoup plus aux acteurs privés. Donc, les acteurs publics facilitent, créent les cadres pour permettre aux industriels de la culture de mieux se saisir de leurs dossiers et qu’ensemble, nous puissions faire. Donc, tout ce qui est législation, facilitation en termes de mécanisme de mise en place et de promotion et autres, le politique peut vraiment aider dans ce sens. Et c’est à travers une politique que les acteurs privés évoluent. Que cela soit dans un Etat, s’il n’y a pas de politique culturel, vous allez voir que les acteurs privés ne pourront pas s’en sortir. Donc, on ne peut pas inculquer le rôle du public des politiques dans le développement du secteur culturel. Mais dire qu’il est subordonné, non. Il est subordonné à l’engagement de tous les acteurs, qu’ils soient publics ou privés.
Pour un Etat membre qui n’a pas de politique culturel, est-ce que la division culturelle de la Cedeao peut accompagner ce dernier à adopter une politique dans ce sens ?
Oui ! La réponse est affirmative et heureusement que tous les 15 Etats membres disposent une politique culturelle. D’ailleurs, au niveau de la Cedeao, nous avions, en 2020, un seul Etat qui ne disposait pas de politique. Mais avec le soutien de la Cedeao, cet Etat, en 2021, dispose d’une politique culturelle. Nous, nous sommes aussi dans le renforcement des capacités, l’appuie technique aux Etats pour qu’ils puissent mieux développer leur politique culturelle.
Quel est cet Etat et qu’elles ont été les démarches de la Cedeao ?
Il faut dire que la Guinée-Bissau, en 2020, ne dispose pas de politique culturelle, mais suite aux sollicitations du gouvernement de ce pays, la Cedeao a accompagné ce pays en mettant à leur disposition une personne ressource. Cette dernière a aidé le comité national à aboutir à la finalisation et validation d’une politique culturelle en 2021.