Tambours et grelots. Le rythmes est à fond. Eheuni Foba fait son apparition. Un pagne blanc noué de la hanche jusqu’à la cheville. Son corps est badigeonné de kaolin blanc. Poudre naturelle utilisée par les prêtresse Akan appelées Kômian. Le peintre suit le rythme, se l’approprie, l’intègre. En quelques secondes, il est emporté, envouté…
Il est soutenu dans son voyage spirituelle par une danseuse. Elle aussi de blanc vêtue avec du kaolin sur le corps. Chaque pas de danse est synchronisé avec les battements des tambours. Chaque déhanchement, dandinement traduit la présence d’un esprit. Et l’esprit l’emporte…
La foule est conduite dans la véranda centrale de ‘’La galerie des arts’’ située à Cocody, Abidjan (Côte d’Ivoire). Là, sont accrochées une quinzaine de toiles. La foule, constituée majoritairement de jeunes, découvre les œuvres du plasticien Zopapi qui fait sa première exposition personnelle dénommée « Esprit Zopapi ». Comme quoi, il n’aurait pas pu parler des esprits sans les convoquer.
« L’esprit, ce n’est pas quelque chose de préméditer. Tout vient à moi sans calcul. Quand je travaille, je lance des jets. Ce sont ces lancées qui donnent des formes. Ce sont des peintures de plusieurs couleurs que je projette sur une distance de 1m, parfois de 1m 50 », explique l’artiste.
Sa technique de peinture n’est pas étrangère aux amoureux des arts en Côte d’Ivoire. La peinture par jets, points, traits et tâches pour donner des formes fait penser au Maître Monné Bou. Et « Le sorcier de la peinture » est son grand père.
« Depuis mon bas âge, j’apprends à ses côtés. Comment se tenir devant la toile, comment utiliser le pinceau pour faire des jets et à quel moment faire les lancées. Il m’a beaucoup appris », soutient-il.
Selon lui, s’il tient la technique de son grand père, son inspiration provient des prêtresses traditionnelles kômians. Une association de ces gardiennes de la tradition au développement des arts, pour faire changer la vision qu’on a d’elles. D’où sa volonté de leur rendre hommage.
Pourtant, le jeune peintre tente de se démarquer de ce que fait son grand père. Son fond de toile n’est pas vide. « Ma touche personnelle est l’impression. J’imprime mes toiles à la main. Chaque support porte des écritures qui relatent des messages sur les kômians », insiste-t-il.
L’association des couleurs, chez Zopapi, ne suit aucune règle. On passe de couleurs chaudes aux couleurs froides avec souvent des dominances d’une seule teinte. « Pour moi, toutes les couleurs traduisent la vie. Le savant mélange que je fais, traduit l’équilibre naturel : le chaud et le froid, le bon et le mauvais ».
Le travail effectué par Zopapi est audacieux. Oser exposer seul a le mérite d’être salué, vu son jeune âge. Toutefois, le spectre de son grand père, Monné Bou, plane sur chacune de ses toiles. Il arrive parfois à se démarquer en apportant une touche fun et pop. Malheureusement faire comme Monné Bou, n’aura de mérite que si ce qui est fait est largement supérieur à ce qu’a fait le Maître. Et à cet exercice, le petit fils cherche encore ses marques.
Sanou A.