C’est l’histoire de deux photographes intergénérationnels : Paul Kodjo qui débute son travail dans les années 60 et Ananias Léki Dago qui s’éprend de la photographie dans les années 90. A priori, à part l’objectif, rien ne liait ces deux artistes. Et puis, arrive le jour où, le « doyen » décide de confier son patrimoine photographique, « ses négatifs » à son cadet (son bon petit) sur un fond d’espoir et de foi : « Ananias voici mes négatifs, prends-les et fais-en ce que tu peux ». Une malle en fer, « poussive et poussiéreuse », infestée de salamandres, cafards et autres insectes. Cette malle hante le film.
Le public de la salle de projection de La maison africaine de la photographie de Bamako, découvre ce vendredi 09 décembre, une belle histoire du narrateur (Ananias) et du narré (Paul Kodjo) à travers un film documentaire plein d’émotions de 67 minutes. Construit autour de l’idée de la transmission, de la responsabilisation, du devoir et du défi, le film met en avant un protagoniste principal : Paul Kodjo. Ananias n’est qu’un vecteur de la mise en lumière du travail exceptionnel effectué par l’un des pionniers de l’art photographique ivoirien.
Ananias scrute le travail de Kodjo aussi bien en Côte d’Ivoire, en France qu’en Suède. Son travail en tant que photographe de studio, de presse (le photo roman dont il est le pionnier en Côte d’Ivoire), des évènements de divertissement, des grands évènements, d’infographie.
Dans « Je reste photographe », Ananias est à la lisière du reportage, de la reconstitution, de la mise en scène. Les témoignages divers des contemporains, des parents, amis et experts donnent un caractère unique à cette œuvre cinématographique qui se présente comme une archive exceptionnelle sur le photographe décédé le 7 août 2021.
Le film peut sembler long pour certains, redondant pour d’autres, éparse pour les plus sceptiques mais il garde son essence et son but principal, réhabiliter Paul Kodjo, faire connaitre son travail, reconnaitre son talent, et éviter que le travail herculéen effectué par lui, ne soit définitivement perdu. Ananias a donc réussi deux paris : celui de sauver les œuvres de Kodjo et celui de remettre à jour son immensité, de façon éternelle, dans un film documentaire.
Pour ceux qui sont à Bamako dans le cadre de la Biennale africaine de la photographie, ils peuvent faire un tour à la Médina pour découvrir quelques œuvres de ce monstre sacré de la photographie ivoirienne. L’exposition est associée à la série “Shebeen Blues” d’Ananias Léki Dago, une conversation avec des portraits de Paul Kodjo présentée avec le soutien du Goethe Institut Abidjan.
Amadou SANOU à Bamako