Le chapitre 3 des Rencontres de Bamako, Biennale africaine de la photographie a pris ses demeures ce 09 décembre 2022 à La maison de la photographie africaine dans la capitale malienne. Après les vernissages des chapitres 1 (au musée national du Mali) et 2 (à la gare ferroviaire), ce troisième salon se tient sous le prisme « Des cultures vivantes, des présences et des continuités des patrimoines ».
Les travaux de 22 artistes sont montrés au public. Il s’agit de Joy Gregory et Daoud Aoulad-Syad, Babajide Adeniyi-Jones, Ixmucané Aguilar, Ishola Akpo, Myriam Omar Awadi, Shiraz Bayjoo, Hakim Benchekroun, Amsatou Diallo, Adji Dieye, Imane Djamil, Abdessamad El Montassir, Adama Delphine Fawundu, Sana Ginwalla, Hamedine Kane, Mohammed Laouli, Mallory Low eMpoka, Billie Mc Ternan, Lucia Nhamo, Samuel Nja Kwa, Sackitey Tesa et René Tavares.
Maa ka Maaya ka sa a yere kono
Littéralement, « Maa ka Maaya ka sa a yere kono », en langue bambara (se dit aussi bambanan) signifie « les personnes de la personne sont multiples dans la personne ». Si ce chapeau principal de la biennale de Bamako 13 insiste sur la multiplicité des êtres en un seul être, sa différence, son devenir et son patrimoine (l’ensemble des cultures endogènes et exogènes qui l’influence), les photographies de René Tavares en sont une manifestation textuelle.
Dans ses travaux qui datent de 2014, l’artiste fait une juxtaposition d’images en noir et blanc, de comédiens (en costumes pour camper des rôles) et leurs vrais visages. Il utilise pour ce faire un filtre transparent sur lequel est imprimé le comédien de théâtre, l’image réelle se trouvant en dessous. « Deux vies Tchiloli», son travail sur la migration, le métissage et l’héritage évoque une rencontre entre le passé et le présent, entre l’individu et le collectif, entre les récits personnels et les récits historiques, dans une composition double et cohérente.
La perception de son travail est vaste, et l’artiste s’en rend de plus en plus compte. « Ça peut être la relation avec la vie en tant que théâtre, l’art en tant que réalité et fiction ». L’ouverture étant faite, ça peut traduire l’insaisissabilité de l’Homme, la pluralité de l’être qui peut jouer plusieurs rôles aussi bien au théâtre que dans sa vie de tous les jours, sans toutefois définir la limite entre le réel et la fiction.
L’artiste venu de Sao Tomé et Principe étend le jeu de rôle à la généalogie des acteurs, les montrant comme la somme de l’héritage existentiel reçu au sein de la famille. Son interculturalité (portugais, français et santoméen) lui permet de questionner les frontières physiques et idéologiques des influences qu’il reçoit.
Artistiquement, le travail de Tavares donne une nouvelle perception visuelle. L’on se croirait face à des images en trois dimensions, « une forme de cubisme ». Ce qui donne une impression de « flou », de regards trahis, qui accentue la difficile perception de l’humain.
Au-delà, Tavares pose les jalons d’une série qui pourrait évoluer rapidement dans la multiplicité des réalités. « Trois vies Tchiloli », « Dix vies Tchiloli », « Un million de vie Tchiloli »… Juste que « Maa ka mayaa ka sa a yere kono ».
Amadou SANOU à Bamako