Le Festival sur le Niger-Ségou’Art permet de découvrir des collectifs qui s’affairent à faire découvrir des artistes. Il en a été, ainsi, du Collectif burkinabè Wekré, dont ce n’est pas la première participation à Ségou, mais, à chaque fois, avec de nouveaux artistes.
Dans mon précédent article sur l’artiste Segson, j’avais fait une petite référence à un collectif burkinabè : Wekré. Ce dernier n’est pas à sa première participation au Festival sur le Niger-Ségou’Art. Cependant, il a présenté de nouveaux artistes en OFF.
Lors de ma visite pré-vernissage (oui, je n’aime pas les vernissages car c’est trop protocolaire et il y a toujours des gens pour sortir leur science alors qu’ils n’y connaissent rien du tout. Donc je visite avant le coup d’envoi, ou soit le lendemain), à l’IKAM, l’on m’a présenté Aboubacar Sanga, qui a fondé, en avril 2020, le Collectif Wekré.
Nous avons un peu discuté sur le sujet. Mais, c’est le lendemain, autour d’un thé, qu’Aboubacar Sanga m’en a plus dit sur Wekré, dont le concept n’est, certes, pas nouveau, mais très intéressant car il permet à des artistes plasticiens, sculptures, ou photographes burkinabè, pour la plupart des jeunes, d’avoir une meilleure visibilité aussi bien au niveau du pays des Hommes Intègres, qu’au niveau international. Très intéressant, aussi, par le fait que ce ne sont pas toujours les mêmes qui sont mis en valeur.
Valoriser un secteur culturel encore méconnu
Le collectif Wekré s’est né à l’issue de l’exposition Wekré, sous forme d’association sous droit privé burkinabè, et s’inscrit dans la dynamique d’entrepreneuriat culturel privé qui vient en appui aux efforts consentis par les pouvoirs publics afin de soutenir le domaine culturel, est-il indiqué sur son site.
Pour la fondation de Wekré, Aboubacar Sanga, opérateur culturel depuis plusieurs années, est parti d’une constatation «contradictoire» mais réelle : la plupart des artistes burkinabè, même s’ils ont une reconnaissance mondiale, restent méconnus, voire inconnus dans leur propre pays.
Pourtant, le Burkina Faso est l’un des pays du continent africains qui possède des pépinières d’artistes, aussi bien au niveau du théâtre, du cinéma, que de l’art plastique. Cependant autant au théâtre et au cinéma il existe des encadrements -par exemple le CITO pour le quatrième art, autant pour les artistes plasticiens, c’est un peu la débrouille.
Le Collectif Wekré est, en quelque sorte, le rassembleur et le catalyseur des artistes plasticiens, surtout les jeunes artistes -pas forcément en âge, mais, également, dans le domaine. Donc, ce collectif s’est donné comme principaux objectifs de faire connaître et reconnaître les artistes plasticiens burkinabè et leurs créations en démystifiant, expliquant, montrant, allant au-devant des populations, trouvant un public local, et de valoriser un secteur culturel encore méconnu.
Un collectif qui porte bien son nom
Pour la petite anecdote et dans mon esprit assez tordu parfois, je pensais que Wekré était un mot-valise se composant de we, nous en anglais, et de créé ; ce qui donnait wekré (nous créons). Ça c’est dans mon esprit, qui est du style «pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué». Puis, il faut avouer que, comme le bambara, je ne maîtrise aucunement le mooré. En fait, Wekré signifie tout simplement «éclosion».
A la base, tout est partie, comme je l’ai écrit, de l’exposition Wekré, initiée par les Ateliers Maaneere, espace de création, de résidences et d’exposition, et par Buudu production en collaboration avec les associations professionnelles du secteur, comme la Fédération Nationale des Arts Plastiques, BurkiGraff, Association Kayiri (l’assos de sculpteurs), Burkina Imagerie (l’assos des photographes), et l’association des caricaturistes.
Le collectif Wekré propose, également, d’autres activités et n’est pas, uniquement, centré sur Ouagadougou. Il en est, ainsi, du projet Yiriwa, dont l’appellation, en bambara et en dioula (là aussi, je ne maîtrise aucunement le dioula), peut être traduite par accroître, faire prospérer, développer, en verbes, et croissance et puissance, en nom commun.
La puissance de Yiriwa
Yiriwa est un projet qui s’inscrit dans une volonté de redynamiser le secteur des arts plastiques dans la ville de Bobo Dioulasso, et ce, par la promotion des artistes, la formation des jeunes talents, l’ouverture d’un marché local et l’organisation d’événements à forte visibilité. Et ce, afin de contribuer à la relance de l’intérêt du grand public pour les arts plastiques mais, également, afin de redonner une place significative aux arts plastiques dans leur participation à l’essor économique de la ville à Bobo Dioulasso.
L’autre projet de Wekré porte l’intitulé de Incub’ARTS qui se veut promouvoir la distribution et la diffusion des biens et services du secteur des arts plastiques, faciliter leur accès aux marchés nationaux, régionaux et internationaux, et contribuer au renforcement des capacités organisationnelles, créatives et productrices des créateurs et opérateurs du secteur des arts plastiques au Burkina Faso. Et cela avec des spécificités comme créer un laboratoire d’incubation de jeunes talents des arts plastiques pour leur offrir un cadre professionnel, professionnaliser les opérateurs du secteur des arts plastiques et promouvoir le genre féminin artiste plasticien.
Un marché des arts contemporains dans la «Forêt du savoir»
En 2020, le collectif a eu l’idée d’instituer un marché des arts contemporains à ciel ouvert, et ce, afin d’attirer le public et leur faire connaître les œuvres des artistes plasticiens burkinabè et autres. C’est aussi l’occasion de formations et de discussions, entre autres, sur l’avenir de l’art contemporain sur notre continent.
Ce marché s’est, déjà, exposé sur les murs de l’ancienne assemblée nationale du Burkina Faso et dans le parc urbain Bängr Weogo, qui, en langue mooré signifie «Forêt du savoir». C’est tout un programme ! Le choix des lieux est très judicieux. Faire cela à ciel ouvert permet d’approcher un public qui ne se considère pas concerné par les arts plastiques. Le slogan de ce marché pourrait être : «Si tu ne viens pas aux arts contemporains, ce sont les arts contemporains qui viennent à toi».
Les personnes, qui se promènent dans le parc Bängr Weogo, peuvent, donc, voir les œuvres exposées, même si elles ne s’intéressent pas aux arts. Elles font, ainsi, d’une pierre deux coups, sans être obligées de se déplacer dans des galeries et autres lieux d’exposition fermés.
La prochaine édition de ce marché devrait se tenir en décembre 2023.
Zouhour HARBAOUI