Plusieurs choses m’ont marquée lors de mon séjour dans la ville malienne de Ségou à l’occasion du Festival sur le Niger-Ségou’Art. Peut-être que cela peut paraît très «avis de touriste», mais ce sont les impressions que j’ai eues. Je tiens à vous en partager quelques-unes.
Ségou, à environ 234 km au nord-est de la capitale Bamako, est une ville mais aussi une commune qui mérite le détour. Déjà, elle est un point important dans l’Histoire. Non loin de celle que l’on appelle «Ségou-Sido ani balanzan do», ou Ségou de la forêt de karité et de la forêt des acacia albida, se trouve Sékoro, un village qui a été fondée par Cheick Marouf, un marabout arabo-musulman, et première capitale de l’empire bambara (ou bamanan) ; empire fondé par Mamary Biton Coulibaly au 18e siècle. C’est grâce à Mali Tourisme que j’ai pu visiter cet endroit et m’imprégner d’un bout de l’Histoire du pays de Modibo Keita.
Sékoro est l’une des choses qui m’ont marquée lors de mon séjour à Ségou. J’adore l’Histoire -d’autant plus que je suis historienne de formation, et les histoires car elles permettent de faire travailler son imagination et son imaginaire.
Que vogue la pirogue
Une deuxième chose qui m’a marquée, c’est le fleuve. Ce fleuve Niger, appelé, aussi, Djoliba dans la langue mandingue, est le troisième de notre continent par sa longueur. Il traverse ou borde six pays : la Sierra Leone, la Guinée, le Mali, le Niger, le Bénin, et le Nigeria. J’ai été époustouflée par le paysage qu’il offrait. Le premier jour de mon séjour, je n’avais qu’une envie c’était de monter dans une pirogue et d’y faire un tour. Mon vœu a été exaucé, toujours grâce à Mali Tourisme, un des partenaires du Festival sur le Niger-Ségou’Art.
Ce jour-là, j’étais aux anges, malgré le fait que la pirogue prenait l’eau tel le Titanic. Mais, comme je ne suis pas Rose et qu’il n’y avait pas de Jack, tout s’est bien passé. Cette promenade en pirogue fait peut-être cliché pour certains, mais cela permet de comprendre et d’être à la place des habitants de l’autre rive, qui viennent à Ségou en pirogue -car ils n’ont pas d’autres moyens, notamment pour vendre les produits de leurs terres.
Les produits de la terre, c’est une chose qui m’a également marquée, pour la simple et bonne raison que la plupart des maraîchages (choux verts et salades, principalement) se trouve en bordure du fleuve ce qui permet de les irriguer directement de l’eau du Niger. J’ai même vu un maraîchage entre le boulevard de l’Indépendance et le boulevard El Hadj Omar Tall…
Promotion du tourisme culturel
Deux structures m’ont aussi marquée -et là attention, je ne fais pas de pub ! Ces structures sont deux hôtels. Le premier, l’hôtel Savane (1994), où j’étais hébergée, impressionne, déjà, par sa façade dont l’architecture s’inspire de celle traditionnelle, utilisant le banco rouge. C’est une volonté de la part de son créateur, Mamou Daffé (initiateur de la fondation Festival sur le Niger, et de plein d’autres choses aussi), pour développer et promouvoir le tourisme culturel et valoriser le riche patrimoine culturel de Ségou, dont l’architecture.
D’autre part, la conception intra-muros donne l’impression d’être dans un village typiquement africain avec ses cases rondes. S’ajoute au cadre la verdure. Ce qui est très important car les images véhiculées par l’Occident montrent un Mali désertique, aride et sec. Et même si le Sahara occupe plus de la moitié du territoire malien, dans le Nord, cela ne fait pas de ce pays un désert. Il y a beaucoup de verdure.
La seconde structure qui m’a marquée, et je l’ai découverte, par hasard, au gré de mes pas (en fait je cherchais un lieu d’exposition et je pensais que c’était là), c’est Hambe Hôtel. Là, aussi, j’ai été impressionnée par l’architecture, par le cadre, par le calme. Je me serais crue dans un ancien palais en banco rouge. En plus, grâce à son emplacement face au fleuve Niger, cet hôtel fait dans l’«agri’culture», avec des maraîchages et des soirées concerts avec des artistes locaux.
Archinard trône toujours en vainqueur
Il y a une chose qui m’a quelque peu troublée : c’est que la ville de Ségou ait, d’une certaine manière, rendu hommage à Louis Archinard (1850-1932), en laissant sa statue (du moins une copie) trôner face à la ville et dos au fleuve Niger, sur la route de la Corniche, comme s’il allait, de nouveau, colonisé la ville.
C’est vrai qu’il faut se rappeler de toute l’Histoire même des périodes difficiles, surtout celle de la colonisation, mais de là à laisser la statue (même une copie !) d’un personnage qui a fait plus de mal que de bien, j’ai comme qui dirait un goût d’amertume dans la bouche. Déjà, quand j’ai lu l’inscription au pied de la statue : «Au général Louis Archinard», je me suis posée de sacrées questions. D’écrire «Au général», c’est lui rendre grandement hommage. Il ne manquait plus que «la patrie reconnaissante» ! Là, ç’aurait été de trop, du moins pour moi.
Comment peut-on rendre hommage à un colonisateur ? Ce général français de la troisième République mena plusieurs campagnes au Soudan français (nom porté par la colonie française érigée sur le territoire de l’actuel Mali). Il a fait détruire le fort de Koundian, appartenant à Ahmadou Tall, fils d’Omar Tall, marquant, ainsi, le début de la fin du règne des Toucouleurs. Il s’empara de Ségou en 1890, alors qu’il n’avait comme grade que chef d’escadron, et prit possession de plus de 400 manuscrits (ouvrages de théologie, de droit musulman, de piété, exemplaires du Coran…) pour les expédier en France…
Zouhour HARBAOUI