Les œuvres de Hugues Dominique Loué et Issa Coulibaly occupent les cimaises du rez-de-chaussée de la Rotonde des arts contemporains d’Abidjan Plateau. Dans l’antre de l’illustre Pr Yacouba Konaté, « ces deux jeunes », l’un avec sa « touche très douce » (Dominique Loué) et l’autre avec sa « radicalité » traduite par des traits (Issa Coulibaly) se côtoient. « Ils font partie de la nouvelle figuration ivoirienne, un courant qui s’est installé depuis au moins dix ans et qui montre qu’il y a un retour très fort de la jeune peinture en Côte d’Ivoire », a justifié Pr Konaté son choix porté sur ces deux artistes.
Dominique Loué : Du coton, pas mou
S’il se définit comme une personne engagée, Dominique Loué opte pour un style délicat, dans son approche de la couleur et de la lumière, aussi bien dans sa façon de peindre qu’au niveau du thème qu’il a choisi, le coton. « Je peins pour la société. Je ne le fais pas pour des politiques ou pour vendre. Je peins ce que je ressens et il serait injuste que je peigne des scènes amusantes », confie-t-il. Si l’histoire des Noirs à travers les scènes dans les champs de coton domine une partie de son travail, il peint aussi des réalités actuelles. Ainsi, la différence temporelle se fait à travers les tenues de ses personnages.
« Le déclic picturale (pour ce thème) est parti du travail des jeunes dans les plantations de coton à Ferké. J’ai saisi les plastiques : les traits, les lignes, l’ambiance, pour réaliser mes œuvres », explique-t-il. Au-delà, l’artiste a une approche plus philosophique. Noirs d’Afrique ou Noirs d’Amérique, nous sommes tous de la même lignée, des descendants ou non d’esclaves. « Nous sommes tous pareils et nous devons mener les mêmes combats », encourage-t-il.
Portraitiste au stylo au départ, son choix du coton qui branche directement avec l’histoire des Noirs, est de « blues et de jazz », de mélancolie et d’affranchissement, d’espoir et d’ouverture vers des horizons radieux. Et sur la question, Pr Konaté, sans être prophète, mais au regard de la somme des connaissances qu’il a du domaine, affirme « qu’il fait partie des peintres qui vont compter dans les prochaines années. C’est un jeune homme qui va devenir grand ». Et il n’est pas seul.
Issa Coulibaly et la radicalité des traits
Peintre, Issa Coulibaly, ramène tout, toutes les réalités, que ce soit des personnages, des scènes, aux traits. D’où son appellation « Le peintre aux traits ». Cependant, il soutient qu’il fait de « l’art compilé ». Son écriture a quitté les champs rizicoles, qu’il peignait au début, pour intégrer « des vendeurs de coco sur les wotros (charrettes), des vendeuses de pagne sur les scènes de marché ».
Pour lui, peindre avec des traits, est une révolution esthétique. Une forme de démarcation de sa formation initiale où on ne peignait que sur des tâches de couleurs. Si le but des arts plastiques est la recherche du beau, selon lui, il faut aller vers de nouveaux styles, autres choses qu’on a l’habitude de voir. Son « art compilé » utilise la peinture faite de formes et de couleurs sur un support, des aplats de couleurs un style utilisé en textile design, la perspective cavalière et atmosphérique.
Il adapte la technique de la plume au pinceau. Ce qui lui permet de faire ses traits. Une convocation de la sculpture qui donne l’impression que les éléments sont taillés. L’intervention des formes géométriques le met en lien avec le cubisme, où les traits ont une place importante. « L’op art » ou l’art optique où les pièces représentées donnent l’impression d’être en mouvement.
La somme de ses styles émane de chacun de ses maîtres. « J’ai touché la technique de tous mes enseignants à l’école des beaux-arts (Pascal Konan, M. Assié, Salif Diabaté, feu Dr Mensah, feu M. Toka). Aussi, touche-t-il à plusieurs genres de peinture. Tantôt portraitiste, tantôt paysagiste, ses traits noirs, donnent une certaine vibration unique en son genre et propre à Issa Coulibaly. Une originalité avec laquelle il compte faire le tour du monde. L’exposition court jusqu’au 21 mars et les visites sont libres.
Sanou A.