C’est un devoir moral, pour moi, journaliste culturel, témoin « du dédain » qu’a eu un certain Koffi Olomidé pour son public ivoirien le 25 décembre 2015 à l’esplanade du Palais de la Culture de Treichville. Ce texte n’a aucunement pour objectif de mettre en mal les concerts de l’artiste dans la capitale économique Abidjan ou encore moins à Bouaké. Loin s’en faut.
Mais, qu’on lui déroule le tapis rouge alors qu’il a manqué de respect à ses fans ivoiriens, pire qu’il s’enferme dans ses ignorances et raconte des « insanités » sur la chaîne nationale de télévision publique et sur des chaînes privées, me fait sortir de ma zone de confort pour dire que nous Ivoiriens, nous sommes certes hospitaliers, nous ne sommes pas rancuniers, mais nous ne sommes pas amnésiques non plus.
Ce 25 décembre donc, j’étais heureux d’aller voir le Grand Mopao. J’avais mis une belle chaussure (une John Foster fraichement venue d’Italie), sauté légèrement mon pantalon (c’était le concert du Grand Mopao) et je m’étais installé aux premières loges avec d’autres amis des médias. Le concept « Abidjan by Night festival », consistait à créer une ambiance géante des boîtes de nuits les plus chaudes d’Abidjan. Plusieurs d’entre elles avaient invité leurs meilleurs clients et avec le concert de Koffi, les chiffres d’affaires allaient doubler ou tripler ce soir.
Arrivé tardivement, c’était aussi l’objectif car il fallait permettre aux clients de consommer au maximum avant que l’artiste ne monte sur scène, Koffi comme il sait le faire met la foule dans une ambiance exceptionnelle. En son temps le titre « selfie » (Ekotité pour ceux qui ne connaissent pas ce titre », battait son plein. Durant une quinzaine de minutes, c’était le délire. Et après un titre dansant, l’artiste demande à voir le promoteur. Il l’appelle sur scène. Il argue qu’on le filme. Le public n’en sachant rien demande que la fête continue. Après plusieurs interpellations, Koffi décide de quitter la scène avec ses musiciens et ne remontera plus.
Koffi va s’asseoir dans son véhicule, un bolide de couleur blanche, avec Cindy Le Cœur. Ils bénéficient de la protection de la police nationale. La foule en colère est repoussée par les agents. Ses musiciens et ses danseuses sont laissés à la merci des spectateurs qui lancent des injures sans jamais les toucher. Honnêtement, je n’avais pas compris cette attitude de l’artiste. Pourquoi se mettre à l’abris et abandonner les siens. Des danseuses prises de peur pleuraient. Bref. Ils ont été sécurisés par les forces de l’ordre.
C’est après, le lendemain, que Koffi Olomidé a indiqué lors d’une conférence de presse restreinte à quelques journalistes, qu’il avait exigé de ne pas être filmer quelques jours après son arrivée à Abidjan. Sur la question, l’ex-directrice du Bureau ivoirien du droit d’auteur (Burida), Irène Vieira, s’était prononcée et donner raison à Koffi Olomidé, pour le droit à l’image, sans même chercher à connaitre les tenants et les aboutissements de l’affaire. Au mépris de ses fans, Koffi avait choisi l’argent. 12 millions selon lui pour être filmé. Et l’affaire avait fait grand bruit.
En réaction, les organisateurs qui avaient accusé de grosses pertes (des clients sont partis sans payer les consommations), ont porté plainte contre lui. Selon eux, il avait été expliqué à l’artiste qu’on ne le filmait pas pour un but commercial (vendre le concert aux chaînes télés), mais juste pour projeter les images sur les écrans géants installés sur le site. Et qu’aucune exploitation des images sera faite au-delà.
Et moi, je me suis posé de nombreuses questions. Pourquoi les deux parties n’avaient-elles pas évacué la question, alors que Koffi dit avoir reçu le promoteur à son hôtel la veille. Aussi, le cameraman de Koffi Olomidé, Grand Poucet qui réalise la majorité de ses clips filmait l’artiste sur scène alors que lui-même avait exigé ne pas être filmé ? Il y avait un non-dit et Koffi après avoir réalisé la bourde de l’année, le jour de Noël, s’était confondu en excuses, les unes toutes autant différentes des autres.
Huit ans après qu’est ce qui a changé pour qu’il revienne en héros à Abidjan ? Le public de Koffi de 2015 est-il différent de celui de 2023 ? Par respect pour le promoteur d’Abidjan By Night Festival Koffi ne devait plus être traité comme un prince en Côte d’Ivoire (c’est mon avis). Je continue d’aimer sa musique, mais je me vois mal aller à un de ses concerts d’autant plus que ses élèves plus respectueux et disciplinés (Ferré Gola et Fally Ipupa) nous comblent largement, nous amoureux de la musique rumba congolaise.
Sanou Amadou (journaliste culturel, chevalier dans l’ordre du mérite culturel)