Par Ibrahim KONÉ, Enseignant-chercheur à l’Université Péléforo GON COULIBALY (Korhogo/Côte d’Ivoire) (Kone.latfad12@gmail.com)
Les dieux ne meurent pas ; ils sont immortels de plusieurs manières : ils le sont par l’intemporalité de leurs œuvres et par la reconnaissance (valeur) de cette œuvre par les contemporains. Si la première semble être évidente, ce n’est pas le cas du second.
Nul n’ignore qui est Mory Kanté et ce qu’il a été dans l’essor de reconnaissance de la musique Africaine. Mory s’est illustré comme un précurseur chevronné de la musique Africaine post-coloniale. Instrumentaliste, arrangeur, producteur, Mory a exprimé l’art musicale dans toutes ses formes, dans tous ses compartiments de spécialités. Mieux, pour la conscience professionnelle et pour semer cet art, il s’est déterminé comme formateur de plusieurs jeunes musiciens comme Soul Bang’s.
Que Soul Bang’s[1] puisse lui rendre hommage après sa mort à travers un single, devrait aller de soi. Mais cette action fait plus sensation lorsque cet hommage est d’une raffinité esthétique qui mobilise les arts musicaux développés par Mory Kanté.
Soul Bang’s a su appliquer une amélioration de la musique tradi-moderne guinéenne avec les tendances musicales modernes. Son timbre vocal s’est fluidifié et densifié. C’est un bel hommage à son maître, un hommage mérité d’autant plus qu’il s’est lui-même disposé à exprimer le timbre vocal du maître avec assez de finesse et de maîtrise. Pour rappel, Mory Kanté était le James Brown africain issue de la Guinée Conakry. Sa capacité à donner de la force, de la chaleur dans sa voix exprimait l’appartenance intime de l’Afrique avec la figure de style qu’est la danse. La danse implique la force, la volupté et la technique.
Soul Bang’s ne veut pas danser. Il veut se souvenir de son maître, de son talent. C’est un hommage du talent du maître dans l’expression de la maîtrise vocale, dans le sens de la parole, de l’expression de la valeur humaine, dans le sens de ce qu’est le griot dans la société pour son peuple : éveilleur de conscience et porte étendard du sens, le sens du bien-être et de la mesure. C’est une belle preuve de l’éternité du maître. C’est une éternité qui enchevêtre une autre éternité pour que l’éternité réelle et vivante (Soul Bang’s) puisse donner vie à l’éternité fugitive du maître (Mory Kanté). Saluons donc ceux qui immortalise l’éternité ! Saluons donc les dieux !
[1] Artiste musicien guinéen pétrit de talent, il est révélé par le Marché des Arts du Spectacle d’Abidjan (MASA) dans son édition de 2016.