Ils sont quatre plasticiens à prendre d’assaut les cimaises de la galerie Houkami Guyzagn à Cocody Riviera II. Deux rêveurs et deux réalistes selon la distinction faite par le commissaire d’exposition Auguste Mimi Errol. Haz-ié, Emmanuel Lekryst d’une part, Touré Béchir et Franck Asso d’autre part. Ces artistes démontreront leur génie selon qu’ils mettent en avant des scènes surréalistes, irréelles, projetées vers l’avenir ; ou qu’ils s’inspirent de la réalité vécue comme prétexte pour ancrer leurs œuvres dans la tradition et le modernisme.
« L’exposition ‘’Entre rêve et réalité’’ nous met en face de deux types de travaux. Des scènes qu’on ne voit pas tous les jours. Le fantastique, des images qui ne font référence à rien. Ces êtres jamais rencontrés quelque part… Et des techniciens de la matière », a indiqué Mimi Errol au cours de la conférence de presse.
Haz–ié : une quête spirituelle
Le travail de Haz-ié est une recherche permanente du dépassement de la conscience. « C’est une quête. Je n’ai pas eu à chercher de thématique, elle s’est imposée à moi tout simplement », évoque l’artiste. C’est un travail d’intérieur en relation avec les éléments de la nature. Et qui dit spiritualité, dit symbole. Haz-ié travaille avec ces symboles religieux (l’œil, la main, la lumière). Pour elle, l’élévation spirituelle n‘est pas de la magie. C’est ainsi que l’univers qu’elle crée est cohésion, communion et aboutissement à l’amour inconditionnelle. Haz-ié baigne complètement dans l’art. Elle est écrivaine, sa mère l’est aussi. Elle explose sa bulle pour aller dans un monde irréel.
Emmanuel Lekrys
Comme son nom l’indique, Emmanuel Lekryst donne à voir des hommes et des croix. Cet objet qui sous-entend sa relation avec Dieu, avec les choses intangibles. Mais, il le fait dans un monde différent, avec des représentations d’êtres (à priori des hommes) qui sont proches des extraterrestres. Il utilise des allégories, des métaphores inspirées des contes africains (Kakou Ananzê, Topé l’araignée…) pour représenter son imaginaire. Il côtoie « la limite entre le tangible et l’intangible » car il est convaincu que « spirituellement, on peut être ce qu’on veut ». « Il va au-delà de la simple perception de la croix. Il y ressort toute la spiritualité (le père, le fils, l’esprit saint), mais surtout la possibilité d’identification de l’homme par rapport à d’autres êtres. Des hommes d’ailleurs qui ont d’autres réalités que les relations quotidiennes des hommes », ajoute Mimi Errol.
Franck Asso
Le travail de Franck Asso est spectaculaire à priori. Il fait du « nattage sur toile », une technique inspirée des nattes traditionnelles. Il se saisit de la richesse culturelle des peuples de Côte d’Ivoire pour rendre réel son imaginaire. Chez toutes les ethnies en Côte d’Ivoire, l’on tisse, natte. Des pratiques qui font partie de leur riche patrimoine. De là, il reproduit les réalités quotidiennes des rues, des villes avec les embouteillages, les regroupements de foule, etc. C’est un prétexte qu’il se donne pour capter le spectateur et l’ancrer dans son quotidien aussi bien traditionnel que moderne.
Béchir Touré
Avec une écriture particulière, Béchir fait de l’empâtement. C’est un matiériste. Tout son travail est basé sur la matière et la déflagration des formes. On ne peut pas regarder un Béchir impunément comme une photographie. Pour percevoir les formes de Béchir, il faut prendre de la distance, au sens propre comme au sens figuré. En plus, il faut faire un effort personnel de compréhension de ses œuvres. Loin des photographies, les œuvres de Béchir sont chaudes, non pas par les couleurs qu’il utilise, mais de par la contribution et l’effort demandé au spectateur qui est tout un processus.
C’est donc une exposition collective assez singulière qui scrute non seulement deux thématiques globales (rêve et réalité), mais surtout des perceptions diverses qui nous font voyager dans des multitudes d’imaginaires sans pour autant nous délier de notre vécu, notre quotidien. Le vernissage se fera ce jeudi 13 juin 2024 et les œuvres resteront accrochées durant un mois.
SANOU A.